LA DANSE DE LA MEDUSE... suite :
~~Dimanche 22 juin 2014,
Le lendemain, nous nous préparons pour nous rendre dans le Beaujolais. Nous y avons rendez-vous avec un groupe de personnes atteintes de la CMT1A, maladie génétique orpheline neuromusculaire évolutive et dégénérative, comme moi.
Nous roulons sur la route sinueuse et très vallonnée empruntée depuis Lamure-sur-Azergues à travers les forêts puis nous continuons à travers les vignes jusqu'à Salles-Arbuissonnas, un endroit du Beaujolais que nous ne connaissons pas.
La prochaine fois, nous passerons par Beaujeu, la route y est plus roulante et plus aisée que celle-ci trop abrupte et étroite à travers de hautes collines. Mais cela nous fait découvrir un autre coin de la région et finalement nous y sommes vite.
Nous arrivons au caveau d'un couple de viticulteurs, des personnes superbement généreuses. La maîtresse de maison nous reçoit avec une poignée de main chaleureuse et un large sourire. Une jeune femme s'approche de nous en observant notre véhicule. Elle n'ose croire ce qu'elle lit sur notre auto ! Elle même est une conteuse arménienne ! Ça ne s'invente pas !
Et voilà, nous faisons connaissance. Chorig est la maman d'un garçon de quatorze ans atteint par la CMT1A qui a des rêves plein la tête. Les couples accueillis arrivent peu à peu et se présentent. Jusqu'à aujourd'hui, j'avais refusé obstinément ce genre de rencontres redoutant de me complaire dans le négatif et je m'aperçois que j'ai été bien sotte. Je suis bien attrapée de rencontrer autant de gens tellement abîmés par cette maladie rare, trop souvent inconnue des médecins et si invalidante, si grave dans les douleurs endurées. Toutes les femmes et tous les hommes touchés circulent en béquille avec une démarche trop difficile et six femmes déambulent en fauteuil roulant... un effet de miroir salutaire pour s'accepter ainsi faite.
Chacun se salue dans une joie communicative. Bruno, de Lyon, le responsable d'une gentillesse à toute épreuve, lui aussi touché, nous accueille à son tour. Nous nous installons dans la salle de repas des vendangeurs, une pièce immense autour d'une table toute aussi immense... peu à peu, nous déballons nos casse-croûtes.
Certains ont apporté pour le partage et je m'en veux un peu d'avoir, pour cette fois, dérogé à la règle, où avais-je la tête ! La conteuse pose sur la table des spécialités arméniennes et libanaises qu'elle a confectionné à base de pois verts et de pois chiches, sans oublier le précieux basilic. Chacun peut y goûter et découvrir ces nouvelles saveurs. D'autres font partager leurs cakes aux olives, au fromage, les gâteaux tels que clafoutis de cerises, tarte à l'abricot, pizza aux poivrons et tomates... bref, une multitude de plats circulent de quoi nourrir tout un régiment et se déroule ainsi un instant délicieux.
Je me rassérène, je n'ai rien à partager mais je suis venue avec mes contes et mes livres (ils ne me quittent jamais) et j'offrirai une petite séance de contes avec Chorig tout à l'heure !
Après le repas, les chaises sont installées à l'extérieur où le chaud soleil darde ses rayons brûlants... nous recherchons l'ombre fraîche que nous ne trouvons que le long du mur de cette grande bâtisse. Une fois que tout le groupe de soixante personnes s'est assis, le responsable prend la parole pour nous donner des informations sur la maladie, les avancées de la recherche qui piétine, nous offre des jetons spéciaux pour nos mains de singe et nous fait la démonstration d'un appareillage qui permet de relever le pied pour ceux qui commencent à avoir des problèmes avec leur démarche... je pense à ma fille aînée.
Également, un homme nous montre son appareil posé sur le talon du haut de sa chaussure, une tige qui prend appui sur elle pour lui maintenir le pied, mais il en est fort mécontent... cela ne va vraiment pas ! Finalement, il semble que rien ne va mieux qu'une paire de chaussures montantes et gainantes moulées à notre pied. Mais parfois, il faudrait comme c'est mon cas, un appareillage qui tienne les pieds, les chevilles, les genoux et les hanches pour ne pas tomber constamment dans les déplacements en béquilles, le mieux évidemment c'est de rester dans son fauteuil car il faut ajouter la douleur des cervicales, du dos que je corrige avec une minerve et un corset (lombostat) toutes les douleurs violentes squeletto-musculaires, neurogènes, tendineuses qui nous empêchent de tenir debout et nous harcèlent jour et nuit !
Bruno nous indique qu'une famille de personne décédée offre un fauteuil roulant verticalisateur d'une valeur de 25000 euros. Ce genre de fauteuil nécessite d'avoir un véhicule spécialisé si bien que dans l'assemblée personne n'est vraiment intéressé. Les dames sont en fauteuil manuel obligées d'être poussées ce que personnellement, je trouve absolument insupportable au niveau de l'autonomie et de la... dignité !
Que de luttes nous avons dues mener avec Maurice pour atteindre une parfaite autonomie avec nos deux fauteuils roulant électrique... que de galères interminables aussi, à quels coûts, à quel prix ! Mais nous tenons tant à notre mobilité que nous renversons les pires obstacles et c'est tellement essentiel ! Parfois, je me demande : « combien de temps tiendrons nous ? ». Mais je préfère évacuer ses pensées très vite car elles ne vont pas dans le bon sens et de toute façon il faut avancer... et croire à la bienveillance des fées...
Bref, nous restons un moment ainsi à échanger entre nous, puis Chorig, la conteuse arménienne prend la parole pour nous conter des contes qui nous entraînent sur les terres d'Arménie. Et, je pense au génocide arménien durant la première guerre mondiale.
Nous reprenons nos échanges sur la maladie et des symptômes ressentis par les uns et les autres... ce sont hélas les mêmes constats plus ou moins avancés.
Puis, Bruno me laisse la parole pour conter sous le soleil brûlant. Heureusement nos charmants hôtes m'ont prêté un bizarre mais très large chapeau de paille. J'entreprends de conter : "Similiourstroupistache " et " P'tit Brin d'Coq ". Le groupe semble ravi.
Enfin chacun fait le plein ou non de bonnes bouteilles de Beaujolais Village, d'autres s'attardent dans de longues conversations. Finalement on nous réclame des livres et Maurice doit se rendre dans notre véhicule pour s'approvisionner en bouquins. J'en dédicace quelques uns. J'offre un livre à Léa, une petite fille de sept ans et demi atteinte elle aussi de cette maladie. Maurice de son côté fait don également d'un « Noëls Enchantés » à Chorig.
Pour finir, nous rentrons peu à peu, les uns après les autres. Nous mêmes, nous reprenons notre 'camion' et la route par Beaujeu s'avère plus roulante et plus rapide que celle empruntée à l'aller.
Nous sommes à la maison. Nous rentrons formidablement heureux de notre week-end et de ces belles et merveilleuses rencontres faites aujourd'hui...
Un coup de fil... ce sont nos clients? Catherine et Stéphane ! Ils achètent notre maison ! Une rencontre décoiffante, étonnante, stupéfiante mais peut-être pas tant que cela... la magie du lieu y est pour quelque chose.
La journée s'achève en beauté ! ! ! Les fées sont avec nous, elles nous appellent en Bretagne ! Lundi 23 juin, Nous évoluons groggy sur un petit nuage rose et enchanté... que du bonheur !
~~bonjour, j'ai participé comme vous à la rencontre dans le Beaujolais et comme vous j'ai beaucoup apprécié cette journée mais je participe à toutes et je sais que l'ambiance est très bonne. j'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre "compte rendu" mais il y a un point sur lequel je voudrai revenir : il m'est très difficile d'apprécier votre jugement sur le manque de dignité et d'autonomie que vous portez sur les personnes en fauteuil roulant manuel : comment pouvez vous vous permettre d'écrire cela !!!! si j'étais en fauteuil manuel c'est par souci de place et le côté pratique de l'engin, compte tenu des lieux ....je me déplace principalement en fauteuil électrique et côté indépendance je pense que je n'ai rien à envier à qui que ce soit : je conduis ma propre voiture !!! et sors souvent seule. le mot "manque de dignité" m'a beaucoup choquée Je vous souhaite un bon déménagement Cordialement Annie Q.
REPONSE :
~~Bonjour Annie, Ce n'est pas du tout ainsi qu'il fallait interpréter mes paroles, mais tout au contraire j'ai voulu parler des complications qui sont faites aux personnes en situation de handicap. Je connais beaucoup de personnes qui ne reçoivent pas de fauteuil parce que la sécurité sociale est un organisme très dur pour les personnes malades. Les fauteuils roulants électriques adaptés sont extrémement chers et beaucoup ne peuvent pas se le permettre, alors on a recours au fauteuil basique non adapté ! Comme beaucoup aussi ils ne peuvent pas se permettre l'achat d'un véhicule spécialisé ! Le plus souvent il faut avoir recours au système D. Les personnes en situation de handicap sont extrêmement dignes, c'est le regard de la société et sa maltraitance qui est indigne, c'est tout ce que je veux dire. Personnellement, je ne peux pas pousser les roues d'un fauteuil manuel car mes bras sont trop atteints, et tout le reste aussi, minerve, lombostat etc... et je ne supporte absolument pas que l'on me pousse ! J'imagine ce conjoint, cette fille, cette amie à me pousser dans les côtes où toute autre situation délicate, pourquoi devrait-elle vivre cela ? J'imagine mon compagnon âgé, très malade et lui-même en fauteuil pour ses jambes détruites par un accident qui devrait me pousser, c'est impensable ! Lorsque je dois me rendre à l'hôpital de Lyon, la Sécurité Sociale me refuse un véhicule spécialisé pour mon fauteuil et ma spécialiste ne veut pas que je vienne sans mon propre fauteuil, que dois-je faire alors ?... Et bien, je n'y vais pas ! et je n'y suis pas retourner depuis cinq ans ! Voilà, chère amie, simplement la teneur de mon propos ainsi exposé... je n'ai pas voulu rentrer dans tous les détails car mon texte aurait été bien long. Je vous embrasse avec la fraternité des fées, Dana