~~Lundi 3 août 2015,
Je ne cesse de penser au départ de Michel et à Danyèle, son épouse qui reste bien seule désormais.
Je viens de relire les courriers de nous avions échangés depuis le jour de notre rencontre au Salon du Livre de Lorette dans la Loire tout à côté de chez lui.
Voici l'une des nombreuses lettres qu'il m'a expédiée :
Saint-paul, le 13 février 2013,
Bien chère Dana,
J’ai été très touché par votre message, et par les compliments que vous m’avez faits !
Très peiné aussi par le récit de vos souffrances.
Mais surtout en admiration à la lecture (parfois un peu difficile ?) de vos poèmes.
Quel rythme, quel lyrisme, et quelle force d’âme ! Mille bravos.
Je me suis permis quelques (rares) corrections que je vous renvoie, mais encore tous mes compliments (ce qui est faible).
J’ai été extrêmement ému par le couplet « Puisque tu vis, Philippe », qui a éveillé en moi de profondes résonances (à mon âge, on a forcément perdu des êtres aimés), et je me suis cru autorisé à joindre à cette lettre un poème allemand, d’un poète bien oublié de XVIIIème siècle, que j’ai transcrit en français, à ma manière.
Si vous avez peur de pleurer, ne le lisez surtout pas.
Et j’ai ajouté aussi une œuvre d’une poétesse brésilienne, texte que j’ai également traduit, dans mon style.
Nous espérons que vous m’avez pas été trop gênés par les intempéries, nous avons été quant à nous miraculeusement épargnés (juste une faible couche de neige qui a vite disparu), mais nous attendons avec impatience les beaux jours, au moins pour aller vous voir !
Je vais en attendant attaquer la correction de « Docteurs, vous m’avez tué » mais, je ne vous promets pas d’aller très vite !
Danyèle se joint à moi pour vous envoyer, à vous Dana et à Maurice, de grosses bises affectueuses.
À bientôt.
Michel,
Michel demeurait infiniment triste, touché à vif par la décès de ses amis. Il me l'écrivait dans chaque lettre. Sa sensibilité exacerbée se ressentait dans chacune de ses lignes... à cette lettre il avait joint deux poèmes inoubliables traduits par lui :
(Adaptation par Michel COUROT d’un poème de KLOPSTOCK, auteur allemand du XVIIIème siècle)
Avertissement : Meta Moller, une dame de Hambourg que Klopstock avait épousée en 1754, était décédée 5 ans plus tard. L’ode qui suit, intitulée « Das Wiedersehen » a été écrite en 1974, alors que le poète avait 70 ans. Toutefois j’ai pris quelques libertés avec la traduction. M.C.
LA REVOIR
C’est l’espace, oui ce n’est que l’espace infini entre nous,
Mais ce n’est pas le temps qui nous sépare,
Ô toi ma bien-aimée,
Et si je t’ai survécu pendant tant d’années,
Je n’ai fait que me rapprocher de toi.
Longtemps, Meta, assis sur le bord de ta tombe,
J’ai regardé frissonner dans le vent
Le tilleul qui la couvre, en été, de son ombre,
Et j’ai pensé qu’un jour, bientôt peut-être,
C’est pour moi que le vent le ferait s’agiter,
Pour moi qu’il y ferait pleuvoir ses fleurs…
Pour moi ? Non, ce n’est que sur mon souvenir
Que les fleurs du tilleul s’égrèneront,
Comme ce n’est que sur ton souvenir
Quelles se sont égrenées, au fil du temps.
Je connaîtrai bientôt l’infini de ce monde
Où depuis si longtemps tu m’attends,
Et nous regarderons, ensemble, frissonner
Dans le vent le tilleul qui ombrage nos tombes…
Et puis… mais je ne connais rien encore
De tout ce que tu sais déjà,
À peine un soupçon qui plane autour de mon âme,
Un espoir éblouissant qui m’illumine
Lorsque le soir rougit le ciel,
Un profond bonheur qui me traverse
Chaque fois que le soleil se lève,
Le soleil, peut-être, de mon dernier jour sans toi…
(D’après Friedrich Gottlieb Klopstock (1724-1803)
DE VENT ET D’ABANDON… traduit du portugais par Michel COUROT, mon ami
Ne te fie pas au temps, ni à l’éternité,
Les nuages déjà me tirent par la manche,
Déjà les vents m’emportent contre mon désir.
Presse-toi, mon amour, demain je vais mourir,
Demain je vais mourir, et je ne te verrai plus.
Ne reste pas si loin, en un lieu si secret,
Ô nacre de silence que la mer opprime,
Ô lèvre, limite de l’instant absolu !
Presse-toi, mon amour, demain je vais mourir,
Demain, je vais mourir, et ne t’entendrai plus.
Apparais-moi, que de nouveau je reconnaisse
L’anémone entrouverte au creux de ton visage,
Et qu’au-delà des murs siffle le vent hostile.
Presse-toi, mon amour, demain je vais mourir,
Demain je vais mourir, et ne te dirai rien…
Extrait de Flor de poemas ; titre original : Canção (Chanson) (Cécilia Meireles- poétesse brésilienne-1901-1964)
Traduit du portugais par Michel Courot (dico d’or-grand gagnant des dictées de Bernard Pivot)