Lundi 25 avril 2016,
Maurice a dormi la journée d'hier interrompu par les visites de Julien, l'infirmier devenu très attentif à l'état de santé très dégradé de Maurice.
Hier soir à mon retour, je l'ai trouvé avec plusieurs petits pansements sur ses jambes, ses œdèmes ayant percés. Ce matin après une nuit de sommeil, je le sens plus apaisé, il semble que l'euphytose prise à dose régulière lui apporte la relâche nécessaire à son état si douloureux.
Nous déjeunons avant l'arrivée de Nathalie et de Julien. Les soins de Maurice deviennent de plus en plus longs. Je me passerai de soins, ce matin, Julien prend beaucoup de temps à panser Maurice.
Je monte à l'étage avec d'infinies précautions, Nathalie me surveille du coin de l'œil. Je grimpe une fois par an car je prends d'énormes risques à le faire. Je remonte mon costume que la plupart du temps les auxiliaires de vie me descendent. Puisque je suis en haut, j'en profite pour faire un peu d'inventaire et de rangement, mais je suis vite épuisée et chaque fois, je me retrouve devant le même problème, je ne parviens pas au bout de mon entreprise. Tant pis, j'ai déjà récupéré de grandes serviettes éponges pour les soins de Maurice, une couette pour une personne et une couverture polaire pour moi.
Il ne fait pas beau et le temps reste vraiment frais au bord de l'océan... nous ne parvenons pas à nous passer des radiateurs. Je passe la matinée à la cuisine à préparer le repas légumes (oignon, poivrons, courgette, aubergine, céleri, ail, tomates) et calamars. Je fais une salade de betteraves, la soupe (poireau, courgette, potimarron, céleri, oignon, ail) et une grosse salade de fruits (pommes, poires, bananes, kiwis, ananas). Tout cela fait beaucoup d'épluchures pour nos animaux qui se régalent... les chèvres adorent les déchets d'ananas, pommes, poires, et les poules se goinfrent de peau de betteraves.
Cet après-midi je m'endors au salon une fois de plus victime de mes crises d'asthénie... ce soir je travaille sur l'ordinateur... Maurice peine dans son lit... il fait encore jour... la nuit tombe à vingt-deux heures.
Au loin, sur l'océan des nuages noirs s'amoncellent... le vent souffle nord-ouest... il va pleuvoir...
Mardi 26 avril 2016,
Maurice dort, réveillé sans cesse par ses allées et venues aux toilettes. Je l'entends dans le couloir et je finis par me lever à quatre heures... j'écris près de lui... il ne cesse de se relever pour se rendre aux wc et il se plaint d'avoir froid et sommeil... je le recouvre et lui ajoute ma couverture.
Il fait particulièrement froid ce matin comme depuis une semaine. Dehors il fait très gris, il pleut et la pluie trempe tout le paysage. Les poules et les chèvres sont déjà dehors dans le pré mouillé. De mon côté la nausée me prend, je vais payer cher ce réveil trop matinal. Tant pis, je récupérerai, si je le peux, cet après-midi.
Nelly et Céline arrivent. Je déjeune, Maurice se dirige vers les soins. Ses plaies s'abîment. Il prend rapidement son café et file se coucher. Il va très mal.
Lorsque je suis prête, Nelly me montre Froudenn. Elle est passée par un trou énorme au milieu du grillage pour manger la haie au-dessus, sauf que ce trou elle n'a pas pu le faire elle-même. Nelly prélève un morceau de grillage fin sur un rouleau neuf rangé au garage afin de réparer et fermer le passage béant. Je rentre dans l'enclos pour voir les dégâts de près... cela ne peut être qu'un renard attiré par les poules. Il a réussi à grimper à cet endroit par les déchets de branches de haie puis se faufiler entre les deux grillages par le coin de l'enclos. Il n'est sans doute pas parvenu à ses fins quoiqu'il en soit il faut réparer le trou bien rond découpé dans le grillage à poules.
Nous l' avions mis, Maurice et moi par-dessus le premier pour empêcher Aig (Aik, Petit Bisou) qui avait l'art d'aller s'y coincer la tête avec ses cornes. Nous la retrouvions en revenant de courses, hurlante, la tête prise dans le grillage et couchée sur ses deux pattes avant. Elle s'y était abonnée chaque semaine et cela devait finir !
Cependant que Nelly répare à l'aide d'une pince, de fils de fer et d'un morceau de grillage neuf, je coupe des morceaux de haie au-dessus de l'enclos. Aig en profite pour me faire des fêtes, elle m'appelle, me lèche, me donne des coups de cornes contre ma main, se dresse droite devant moi sur ses pattes arrière, ses deux petites cornes en avant. Elle fait des fêtes aussi à Nelly. Elle doit sentir qu'elle aussi a des chèvres dans sa ferme.
Nelly va chercher du maïs afin d'attraper Aig pour lui remettre le collier qu'elle a réussi par deux fois à se retirer elle-même à l'aide de branches entremêlées. Heureusement Nelly leste et valide peut la maintenir et il faut s'y reprendre à trois fois pour y parvenir. Enfin, son collier est ajusté, plus serré cette fois, elle devrait le garder. J'en ai besoin pour les attraper lorsque je vais les vermifuger, évidemment avec Nelly car seule je ne pourrai pas le faire. Ensuite Nelly procède au balayage du foin que les poules ont gratté et traîné hors de la cabane aux chèvres et arrange l'entrée protégée du vent par un mur de planches. Même maintenu par des pieux le vent a réussi à tout bousculer. Ainsi maintenu avec les piquets redressés et enfoncés les chèvres se trouvent protégées des tempêtes, mais il faut que tout soit solidement ancré au sol. Avec le râteau, elle termine en retirant le reste de branchettes de haie éparpillées dans l'enclos... tout est en ordre, un vrai plaisir pour les yeux. Je vais pouvoir finir doucement mes sacs pour la déchetterie... et tout sera net pour la belle saison.
Je vais devoir embaucher une personne pour repeindre le carrosse magique de la Reine des Fées et la porte d'entrée dont la rouille bave de partout. Aux beaux jours, je vais devoir recolorer les sujets féeriques collés sur les pierres du muret qui longent la maison et remettre les figurines endommagées et réparées... celles qui ont été brisées seront abandonnées... enfin, je ne vais pas manquer d'ouvrage !
Maurice se désespère de son état... il traîne son âme en peine dans ses déplacements douloureux... cet homme hyper actif ne supporte pas d'être confiné entre son fauteuil-lit et les toilettes. Céline revient pour les soins du soir. Les jambes de Maurice ont éclatées pour laisser échapper l'eau de ses œdèmes. Depuis les perforations rougissent de plus en plus et son érysipèle à gauche n'est pas beau. Son ventre devient plus souple du fait que l'eau parvient à s'échapper... mais son état n'est pas brillant.
Aujourd'hui son teint cireux m'inquiète. Il veut dormir et n'y parvient pas. Il ne cesse de se rendre au cabinet, heureusement que l'on ne peut plus lui donner de lazilix car il serait totalement anéanti avec derrière un arsenal de remèdes effarants comme le diffu K pour redonner du potassium lavé par le lazilix et l'oxygène 24h sur 24 car les poumons seraient dans l'eau !... Le Lazilix fait uriner sans répit cela nécessite une sonde à demeure, et pour clore le tout il serait ainsi totalement grabataire ! Tout ce branle-bas de combat pour un cœur épuisé qui fait des extrasystoles et fabrique de l'eau à tarlarigo... et la pompe infernale se met en route ! C'est le renard qui se mord la queue.
Enfin quoiqu'il en soit Maurice souffre terriblement mais les deux derniers remèdes remis par le dernier médecin sur la Loire l'ont conduit à cette affreuse impasse... aux chutes, aux malaises et à tout le reste... le gastro-entérologue avait vu juste en 2009. Maurice aurait vécu longtemps sans une médecine appliquée à tord et à travers... pour l'instant il fait montre d'un terrible courage.
Céline lui a fait un pansement américain sur ses plaies bien rouges à la cheville droite et je viens de lui mettre un coussin dessous. Cela le soulage d'un coup du poids de sa jambe sur le fauteuil.
Il me dit :
– Pourvu que je sois un tout petit peu en forme pour demain !
– Mais tu le seras, mon chéri, tu le seras !
– Tu ne sais pas à quel point je t'aime, non tu ne peux pas imaginer à quel point !
Demain il aura soixante douze ans...