Samedi 5 octobre 2016,
Maurice m'a appelé sept fois. Je l'ai lavé entièrement hier soir, puis il a eut froid, ensuite avec la grosse couverture beaucoup trop chaud (il ne peut pas supporter les couvertures, cela lui provoque des démangeaisons). Finalement à trois heures vingt avec les douleurs horribles de la jambe et la chaleur, j'ai dû le relaver entièrement pour l'apaiser. Calmer les talures du dos et celles de la cuisse où j'avais le soir posé des pansements, passer de l'éosine sur les points irrités, masser les jambes sur le point d'appui au lit.
Sur le matin, il me sonne à nouveau, puis je me rendors jusqu'à neuf heures où je pense d'un coup à ouvrir la porte. L'infirmière est déjà là.
Elle le lave et le change. Pendant ce temps je déjeune. Puis elle s'occupe de mon pied. Il n'est pas joli. Elle nous quitte.
Je n'ai pas beaucoup de courage ce matin. Je traîne un peu sur l'ordinateur, puis vient le moment du repas. Nous nous servons des restes d'hier. Cela me va bien et nous nous régalons.
Puis, je file faire une sieste. Je dors trois heures trente non sans avoir été sonnée une fois par Maurice... qui a dormi beaucoup aujourd'hui.
Il se plaint de sa cuisse. Évidemment toujours appuyé sur ce côté nuit et jour, elle s'abîme, sa peau noircit et commence à se creuser. Je décide de couper en deux un grand carré de duo-derm pour le protéger du point d'appui. Cela lui fait de l'effet tout de suite, il se sent bien. Il faut qu'il parvienne à le tenir trois jours. Il ne doit pas rouler.
L'infirmière revient pour les soins du soir. Puis nous dînons. Ma petite- fille puis plus tard ma fille me téléphonent. J'obtiens ainsi des nouvelles de tous. Je suis heureuse de savoir que tout va bien.
Ensuite à vingt heures, je lave entièrement Maurice, je le sèche, frictionne de crème son dos lamentablement talé, puis je passe au bas où après la toilette, j'éosine tout. Je lave, rince et sèche tout le côté gauche talé. Je passe aussi de l'éosine sur les plaies ce qui a le mérite de calmer l'irritation. Les pansements tiennent le choc. Celui du bas a roulé légèrement alors à grand peine, montée sur le lit je découpe le bord de celui-ci. Là, ça va aller ! Il est temps que ça s'arrête,je ne tiens pas debout longtemps, j'ai mal, je suis cassée !
Je masse les jambes surtout sur le point d'appui. Je sens toujours cette grosseur derrière son genou gauche enflé, cette jambe dure et inerte ! Je lui arrange les draps, lui dépose une légère petite couverture en polaire près de lui. Je lui prépare ses doses de morphine qu'il défait lui-même de l'étui car mes doigts me font défaut. Tout est prêt pour la nuit... je ne vais pas traîner, je dois profiter de son sommeil pour récupérer.
Le temps mi-figue, mi-raisin alterne de larges rais de soleil, et du vent froid ou de grosses radées... pas très chaud, je ne suis pas sortie vers nos protégées... je les avais assez nourries hier, il y avait de la réserve... je les verrai demain matin.
Dimanche 6 novembre 2016... plus que sept jours à attendre...
Les jours, les nuits se succèdent et se ressemblent... toujours le même cauchemar. La nuit a été agitée par un appel toutes les heures... sur le matin à cinq heures, ses cris de douleurs me réveillent, je masse ses jambes et je pose la poche de glace sur son genou en feu.
Il est impossible de laisser un homme souffrir de la sorte ! Et quand je pense que c'est moi qui devrais être massée, aidée, servie, je suis là à venir en aide avec le peu de force musculaire qu'il me reste à un être humain affublé de tant de maux... car il faut bien l'avoir en tête, il supporte un œdème cérébral douloureux dont la moitié lui a été retirée il y a tout juste deux ans par une intervention sans anesthésie (les bourreaux qui ont fait ça n'ont aucune notion de l'humanité, de la souffrance d'un être humain !) ; une insuffisance cardiaque et respiratoire avec de très nombreux extrasystoles et des œdèmes cardiaques où alité durant dix mois l'eau n'a cessé de couler par ses jambes et par ses pieds, et cela continue dans l'abdomen, le dos, les bras. Il souffre de son cancer de la prostate, sa maladie de Parkinson le fait trembler comme une feuille de haut en bas ; il vient de faire un infarctus le 30 août et un autre le 3 septembre 2016. Je ne parle pas de ses crises de polyarthrite qui ont refait surface cette année, ni non plus de l'arthrose qui reste le moindre mal... après certains s'étonneront qu'il soit à 420 mg de morphine !
Les douleurs de la nuit se sont apaisées vers sept heures. Je me lève à huit heures. L'infirmière arrive quelque temps plus tard pour nous soigner tous les deux. Je déjeune.
Je vais nourrir les animaux mais une radée me mouille en quelques minutes et comme les chèvres, je rentre précipitamment.
Je prépare un repas rapide : steaks hachés bio, petits pois aux lardons, riz au lait. Les restes iront pour ce soir. Je prépare également une compote sans sucre avec des poires et des pommes, délicieuse !
En somme je suis la cuisinière, la plongeuse, la lingère, la fermière, l'infirmière, la garde-malade... et je n'arrête pas.
Je vais finir le nourrissage des chèvres et leur donner de l'eau... il fait un temps glacial. Je suis complètement gelée, je rentre vite me réchauffer à l'intérieur.
J'étends encore deux lessives et j'en fais partir une autre. C'est à ce moment que nous recevons la visite de Marie-Claude et Marc avec leurs petites Bliss et Capsule, petites chiennes yorkshire. Nous sommes heureux de les voir. Ils nous apportent un moment de distraction sur une journée morne et triste.
Le soir s'en vient avec l'arrivée de l'infirmière et son départ. Nous soupons, puis je lave entièrement Maurice, le frictionne, masse avec de la pommade et éosine les parties lésées. Je mets des pansements sur les nécroses de la peau. Son corps s'abîme de plus en plus à rester toujours couché, coincé sur le côté gauche avec sa jambe raide.
Je mets une heure où je peine à la tâche... je ne tiens pas debout longtemps, si je force le mal me prend dans les cervicales, le dos, les jambes, les pieds (qui eux sont en compote !), je me mets à souffler pour tenir le choc. Je fais des mouvements qui me sont impossible et souvent je pense aux personnes valides, en bonne santé, comme je les envie.
Enfin tout se termine, j'ai mis la petite table médicale près de lui où il dispose de son portable, de sa crème, de ses remèdes pour le nez, la ventoline, son eau, etc..., j'ai préparé avec lui ses trois doses de morphine de la nuit, il vient de prendre l'oxycontin. Il prend aussi de l'euphytose et du... xanax ! Il devrait pouvoir dormir.
Je retrouve l'ordinateur et mes courriels. Je ne vais pas traîner... faire comme hier soir... et dormir ?
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