Jeudi 15 décembre 2016... à dix jours de Noël.
Je reste près de lui toute la soirée, il me sollicite parce qu'il a faim, il a froid, il a chaud, il veut boire prendre ses remèdes, le changer deux fois, puis le laver, le masser à deux heures... je finis par me coucher à trois heures trente.
Dans les intervalles j'ai lu le manuscrit de poésies de Béatrice Tallec-Adrian et j'ai terminé sa préface.
J'ai terriblement sommeil et je m'endors rapidement. Il va me sonner dans la nuit car il souffre très fort de sa jambe.
Sur le matin, par deux fois, je l'entends gémir et crier :
–J'ai mal, j'ai trop mal à ma jambe.
Lorsque j'arrive dans le couloir, je l'entends ronfler. Je lui ai donné par deux fois sa morphine (qui a énormément baissé) avec un doliprane pour les douleurs aiguës.
Au matin, Sylvie arrive à huit heures trente et prépare le déjeuner. Je me lève au radar. Je déjeune et me prépare rapidement pour aller en courses.
Jean-François vient s'occuper des soins de Maurice. Nous partons pour trois magasins et nous rentrons pile pour midi. Sylvie à juste le temps de m'apporter les provisions, les six sacs de couches, le maïs et l'orge au garage, et de monter le fauteuil roulant.
Je range les commissions petit à petit, puis je prépare le repas, une salade d'endives aux noix et aux pommes et les restes de la tartiflette d'hier.
Dans l'après-midi arrive le fournisseur de l'ancien respirateur qui ne nous a pas satisfait et qui à mis un sacré moment à venir le chercher... et pendant ce temps la Sécurité Sociale paie la location de deux machines... ben voyons ! ! !
Puis l'aide jardinier, venu hier nettoyer la bougie de la tondeuse, se met à tondre le jardin. Ensuite c'est l'infirmier et puis Klara la kiné... Maurice ne parvient pas à se lever sur sa jambe droite... il est terriblement déçu, il en pleure. Ses muscles se sont atrophiés par ses trois mois cloué au lit.
Nos journées sont bien remplies... nous attendions aussi Alexandra qui n'est pas venue, sauf une erreur de ma part.
La soirée s'achève. Je m'installe devant la télévision où je m'endors. Je laisse Maurice à son sommeil pour aller me coucher. Il m'appelle trois fois dans la nuit.
Vers trois heures, je dois le laver, le masser, le changer... je suis éreintée.
Vendredi 16 décembre 2016...
Sur le matin, je dors profondément quand Nelly arrive. J'ai beaucoup de mal à me réveiller. Je déjeune cependant qu'elle prépare un cacao à Maurice à qui hier, j'ai acheté des petits pains aux raisins.
Jean-François s'attaque à ses soins du matin, puis il passe aux miens. Je m'habille ensuite je vais avec Nelly attacher les palmiers qui ont soufferts sous la tempête de novembre. Je taille aussi les rosiers.
Elle replante mon pot d'hémérocalles dans la plate-bande. Nous jardinons en plein décembre !
Finalement il est l'heure de s'en aller pour Nelly... et je reste avec les légumes de la soupe à préparer.
Nous déjeunons et à peine terminé, voici notre médecin traitant qui vient aux nouvelles. Il est content des progrès de Maurice et de sa volonté à en sortir.
Il déclare :
–C'est un warrior !
Ce qui m'amuse... mais c'est bien ça !
Il nous prescrit plusieurs ordonnances dont un verticalisateur électrique réclamé par Klara afin que Maurice puisse se mettre debout.
Je m'occupe de mes légumes à la cuisine car je veux refaire cette délicieuse soupe pour toute la semaine.
Puis je vais jeter les déchets à mes petites amies qui m'attendent impatiemment.
Je reste un moment sur l'ordinateur alors que Maurice dort profondément comme ce matin où il s'est endormi toute la matinée... il a beaucoup de sommeil, de forces et de fatigue à récupérer !
Puis arrive Klara pour la kiné alors qu'il dort si fort. Klara lui fait faire ses exercices... il doit retrouver du muscle.
Ensuite voilà Jean-François de bonne heure et du coup Maurice en est content, il va être soulagé de cette gymnastique qui l'épuise.
Moi, je ré-attaque ma soupe que j'avais abandonné par manque de force. Je coupe tous les légumes épluchés en morceaux et je les lave. Je tranche avec un hachoir et un marteau le potimarron et le butternot car je n'ai aucune force dans les doigts... je mets un temps fou à faire tout ça.
Du coup nous soupons à vingt heures, très tard pour nous ! La soupe est si bonne que Maurice en réclame deux bols puis il veut deux tartines de rillettes de porc... ce qui fait qu'il se sent lourd ce soir !
Nous regardons les 'Petits Crimes d'Agatha Christie' et le sommeil me gagne. Lorsque le film se termine, je dois laver, masser et changer Maurice, lui mettre son drap et ses couvertures.
Il prend tous ses remèdes du soir et s'apprête à s'endormir. De mon côté, je file au lit... trop besoin de me reposer.
Samedi 17 décembre 2016... à huit jours de Noël...
Je me suis levée plusieurs fois encore cette nuit parce qu'il hurlait de douleur, je lui ai relevé la jambe avec le coussin, posé de la glace, parce qu'il fallait le couvrir, le masser, le changer... je n'ai pas eu besoin de le laver, il dormait trop.
Au matin je me lève à huit heures pour lui faire quatre tartines, et son chocolat, il meurt de faim, puis je déjeune.
Nous attendons l'arrivée de Corinne, l'infirmière et Maurice se tortille comme un ver dans son lit tant il a besoin d'être lavé, massé et changé. De plus, il hurle depuis des mois car uriner lui provoque de très violentes douleurs. Sa prostate lui joue de mauvais tours (il faudrait encore opérer!).
Corinne vient pour passer à l'action et aussi lui passer pendant une heure sa roséphine dans la veine qui monte au cœur, puis elle rince.
Ensuite elle passe à mes soins et je me prépare pour la journée. Notre voisin et ami André nous livre deux litres de moules qu'il est allé ramasser dans la Baie des Trépassés... je suis drôlement contente, je les ferai demain avec un reste de gratin, cela sera parfait ! Il passe dire bonjour à Maurice qu'il n'a pas vu depuis longtemps car la maison est toujours pleine d'intervenants de toutes sortes.
J'étends deux lessives, je confectionne le repas... aujourd'hui je me lance dans une galère... je fais un gratin dauphinois. Cela me prend un temps fou car j'ai du mal à éplucher l'ail, pour les pommes de terre c'est moins difficile car leur peau est fine en ce moment. Bon, mais je me débrouille (dur, dur) et finalement je sers d'abord du poireau en vinaigrette à Maurice qui crie de faim. Le gratin est au four, nous le mangerons à une heure. Puis je lui sers un morceau de foie de veau, très bon pour son manque de potassium. Le gratin s'avère être fameux ! Nous nous régalons !
Je fais la vaisselle entre chaque plat servi, cela m'avance. Puis lorsque nous avons terminé Maurice s'endort aussitôt et moi je file me coucher... je ne peux plus rien faire.
Je dors jusqu'à l'arrivée de Corinne à dix-sept heures trente... cela m'a fait le plus grand bien et Maurice en a fait autant. Ce soir, elle lui retire ce qu'il reste d'agrafes... le voilà libéré.
Nous soupons de cette excellente soupe confectionnée pour toute la semaine. Mais ce soir, il se sent mal et n'a pas très faim. Je le change, il met son masque et s'endort.
J'ai un peu de temps libre, je l'occupe à lire mes courriels et à répondre. Ce soir, il m'arrive des félicitations de par le monde pour mon poème 'Toi, le fou de Dieu'.
Maurice dort et il m'appelle car sa cheville gauche lui fait mal, je vais le masser.
Il fait nuit à dix-huit heures... à huit jours de Noël... je n'ai rien préparé, rien décoré... nous vivons hors du temps concentré sur notre cauchemar...