Mercredi 21 décembre 2016... intense fatigue...
Installée dans le fauteuil, je tente de suivre un film... mais je m'endors. À vingt-trois heures Maurice m'appelle, je dois le changer.
Atteint de violentes diarrhées, il se répand dans le lit... c'est la débâcle. Il faut tout nettoyer, tout changer. Je nettoie le drap du mieux possible et j'ôte toutes les alèses... je ne peux pas retirer le drap, ce sera fait demain matin par Corinne, en attendant je recouvre d'alèses et remets une couche propres. Je remplis un sac poubelle de vingt-cinq litres.
Maurice continue de dormir profondément jusqu'à cinq heures trente du matin, où je dois à nouveau le changer. La diarrhée a été maintenue dans la couche cette fois-ci.
Je retourne me coucher et à huit heures trente j'ouvre la porte à Annie. Je déjeune, Maurice refuse ses repas depuis hier... il ne mange plus.
Je me prépare et Corinne arrive. Maurice a besoin d'une bonne toilette, de changer de maillot, de draps et d'alèses. Ceci fait, Corinne lui passe sa perfusion et puis s'en va chez une autre patiente en attendant que la perf soit terminée. Elle s'écoule durant une heure. Mais les médecins de Brest ont rallongé la sauce... il devra en recevoir autant le soir... pour l'heure il est fort mal en point. Il se trouve prisonnier d'une fatigue immense.
Annie vaque à ses occupations... je lui demande de sortir les décorations de Noël... mais je n'ai pas le temps de m'en occuper. Je dois téléphoner pour trouver un verticalisateur électrique chez un fournisseur de matériel médical. Je téléphone aussi à ma banque. Finalement je trouve un fournisseur et nous aurons ce verticalisateur et une sangle avec une ordonnance adéquate.
Je déjeune seule... puis je vais sur l'ordinateur prendre connaissance de mes courriels en attendant le médecin.
Lorsqu'il arrive je suis dehors à nourrir nos protégées. Il fait mauvais temps depuis trois ou quatre jour, il pleut beaucoup la nuit et des averses traversent nos journées. Le médecin m'appelle.
Je cesse immédiatement mon travail pour parler de l'état de Maurice et aussi des demandes diverses entre le fournisseur et les infirmiers qui ont besoin de matériel. Il ausculte Maurice bien mal en point et pense au virus qui circule actuellement, de bonnes gastro-entérites. Je préfère penser cela que de le voir avec un problème sur l'antibiothérapie. Il prescrit des comprimés en cas de diarrhée récurrentes, d'autres pour les vomissements et aussi une réhydratation en perfusion continue. Il dresse une ordonnance pour le matériel de kiné et aussi pour les infirmiers car Maurice aura une très grosse dose d'antibiotiques, trois fois supérieure à la normale.
Puis Corinne vient et emporte toutes les ordonnances à la pharmacie. Ensuite elle revient pour les soins. Quand elle a terminé c'est au tour de Klara, la kiné de franchir la porte. Maurice est très faible et elle pratique un drainage sur sa jambe opérée. Quand elle a fini sa séance, elle le cale avec des coussins pour lui faire tenir une autre position, mais à peine est-elle sortie que Maurice se plaint, cela le fait trop souffrir. Je suis obligée de tout retirer et de lui masser la cuisse avec la pommade.
Il étouffe ses sanglots en gémissant :
–J'en ai marre, chérie, j'en ai trop marre, je n'en peux plus, je n'en peux plus !
Je fais tout ce que je peux pour lui adoucir sa peine. Je le caresse mais ses pleurs redoublent :
–J'en ai marre, j'en ai vraiment marre !
Puis, il se rendort. Plus tard il me demande un yaourt qu'il ne parvient pas à manger seul. Je le lui donne à la cuillère. Il s'endort.
Je remarque aujourd'hui encore et depuis plusieurs jours que ses mains ont la couleur de la farine... comme si le sang l'abandonnait. Déjà, nous avions constaté le même phénomène avec le médecin remplaçant avant et pendant ses infarctus...
Je soupe seule à la cuisine. Il dort profondément. J'en profite pour rester sur l'ordinateur. Il se réveille à vingt-trois heures pour pleurer.
Il pleure longuement pour me dire combien il en a assez. Il se plaint de ne même plus avoir la force de se tourner pour les soins... la force de plus rien... il n'a plus envie de se battre et des envies de mourir lui reviennent. Il est secoué par tout ce qu'il doit endurer. J'essaie de lui remonter le moral, mais je suis tellement impuissante à changer quoi que ce soit à part l'aider de mon mieux pour ses soins. Il me dit encore qu'il se bat pour moi, qu'il résiste à tout pour moi, pour ne pas me quitter et en même temps il a honte de ce qu'il me fait endurer... mais mes mots ne peuvent pas décrire ce que je ressens, et mon cœur pourtant renferme un océan de larmes qui ne peut pas couler...
Jeudi 22 décembre 2016... tant va la cruche à l'eau qu'elle casse !
Maurice a eut une gastro-entérite carabinée. Le médecin repasse dans l'après-midi car Maurice fait une allergie avec plein de petits boutons rouges. Moi, je suis effondrée dans le fauteuil... je me sens mal. Le docteur pense que je vais prendre le même virus. Pourtant des douleurs neurogènes se déclenchent avec violence dans mon dos puis dans les jambes et soudain une accumulation de douleurs me saisit musculaires, osseuses, tendineuses. J'ai mal de partout à hurler. Bientôt je ne peux plus bouger.
Un colis est trouvé dehors par l'un de nos intervenants. C'est mon fils et ma belle-fille qui nous souhaitent un joyeux Noël avec un gros panier de gourmandises ! Ils sont adorables !
Au soir, je ne peux absolument pas aider Maurice, je ne peux pas faire un seul mouvement.
Dans la nuit j'entends Maurice se plaindre abondamment et je suis clouée dans mon lit. Je me lève et je ne parviens pas à manœuvrer le fauteuil roulant manuel avec mes pieds, je mets une éternité à franchir l'espace jusqu'à son lit en criant de douleur. Lorsque j'arrive près de lui il a besoin d'être changé, avec beaucoup de difficultés je lui change sa couche mais je ne pourrai rien faire d'autre... il doit rester avec ses démangeaisons.
Au lit ma vie est intenable... les douleurs m'obligent à me retourner sans arrêt difficilement. J'entends Maurice se lamenter, dire qu'il n'en peux plus. Sur le matin il a froid et je recommence à me traîner jusqu'à lui pour lui donner ses couvertures que je ne parviens pas à lui mettre.
Une longue nuit s'étire dans une souffrance sans borne.