Dimanche 11 février 2017... toujours en délire...
À sept heures vingt ses cris me réveille et je dois lui masser ses deux jambes. Il est de nouveau plongé dans ses crises à demi-conscient.
Il me dit :
–Il faudra que tu regardes, on a gagné une voiture électrique avec Canal Sat et Yvan était là !
–Mais quelle voiture, Maurice et Yvan n'est pas là !
Puis dix minutes plus tard :
–J'en ai marre, je veux mourir, je ne sais plus quoi faire de ma peau !
Cette phrase là, il me la répète tous les jours. Hier soir devant l'infirmière :
–Je vais mourir... alors qu'il était très mal.
Mais il est toujours de plus en plus mal chaque jour qui passe, de moins en moins conscient, de plus en plus plongé dans un sommeil soit apaisé soit en crise. C'est trop dur !
Dans son sommeil délirant après le déjeuner, ce matin, il dit :
–Il faut la mettre en charge !
–Qu'est-ce qu'il faut mettre en charge ?
–La voiture électrique !
–Y a pas de voiture électrique !
–C'est quoi alors ? Une moto ?
–Non, y a pas de moto !
–Tu te fous de moi ?
–Non, y a pas de moto !
–Tu la vois pas, là ?... Oh et pis, laisse-moi dormir !
Un moment plus tard :
–Elles sont belles ?
–Oui ! (Pour ne pas le contrarié car il se met en colère)
–Je ne les ai encore pas vues ! (Il parle de voitures ou de motos).
Puis encore :
–Qu'est-ce-que tu dis ? Tu m'as parlé ?
–Non !
–Oh, la la ! (Il se rend compte qu'il déraille).
–C'est neuf heures ?
–Oui bientôt !
Un moment plus tard :
–Parce qu'il parle pas français l'autre ? On est pas dans la merde, alors.
–Tu les as mis en charge ?
–Non !
–Mais elles sont pas arrivées, elles devaient arriver la semaine dernière ! Alors c'est quoi qui est arrivé ce matin ?
–Rien n'est arrivé ce matin !
–Je deviens fou ou quoi ? Alors pourquoi tu m'as réveillé ce matin à huit heures ?
–Pour te donner tes remèdes !
–Bon, laisse-moi dormir !
L'incohérence de ses propos est arrivée en même temps que ses maux de tête très violents.
–T'en a pas laissé une dehors ?
–Non !
–Tout à l'heure, je disais qu'il ne parlait pas le français !
–Hein ? Tu dis que je suis fou, mais tout à l'heure quand j'ai passé mon mouchoir, mes œdèmes ont coulés !
Je ne réponds rien, si je réponds c'est plutôt pour l'apaiser.
–Alors dis, y en a ben des voitures !
Hier c'était des motos !
Nous attendons Corinne, l'infirmière... il l'aime beaucoup, moi aussi.
Ce matin, de gros nuages noirs sillonnent le ciel mais il n'y a pas de vent. Hier le soleil dominait.
–Martillot, il est bien de Douarnenez ?
–Martillot ? Mais c'est qui Martillot ?
Il ne dit plus rien. Il dort.
–T'es sourde, chérie ?
–Non, je ne te réponds pas car tu dis des bêtises !
–Quoi, on a pas de voitures ? Elles sont pas arrivées ?
–Non, il n'y a pas de voitures !
–C'est des motos alors ?
–Non, pas de motos !
–Tu m'énerves, chérie, commence pas à m'énerver !
Puis il se met à compter (probablement ses voitures imaginaires).
–T'as des gouttes ? J'ai mal à un œil !
– Oui, j'ai des gouttes !
–Les œufs, elles font des poules maintenant ?
–Oui, les poules font des œufs en ce moment.
–Mais oui on a des voitures, le monsieur et la dame de Douarnenez... eh, tu cherches à me faire passer pour un fou ? Ho !
–Quoi ?
–Tu cherches à me faire passer pour un dingue ?... Mais qu'est-ce que je fous là, j'en ai marre...
Je ne réponds pas. Il repart dans son sommeil peuplé de rêves et de délires.
Lorsque Corinne arrive, il est toujours dans son délire de voitures électriques livrées à la maison, mais les soins finissent par le réveiller et il redevient lucide. Il me demande pardon. Je lui réponds que ce n'est pas de sa faute.
Corinne le soigne, le lave, le masse et le change. Cela lui fait beaucoup de bien, mais il souffre trop lorsqu'il s'agit de le bouger à droite et à gauche... il ne tient pas longtemps la position. Voilà pourquoi il ne me demande plus de le laver, je suis trop lente et il ne peut pas supporter de rester coincé sur un côté.
Au repas de midi, il ne mange que la moitié d'un steak haché et c'est tout. Il n'a pas faim. Puis il s'endort avec des plaintes et il reprend ses sursauts épouvantables qui l'agitaient tant en 2009 et le faisais sauter à cinquante centimètres au-dessus du lit. C'est là que j'avais inventé le DAMOKA.
Je déjeune seule à la cuisine et je m'installe sur l'ordinateur... je me sens vidée, épuisée, sans forces... j'irai bien m'allonger un moment, mais j'ai peur qu'il m'appelle au bout d'un quart d'heure.
D'ailleurs voilà qu'il me demande son respirateur resté rangé dans sa sacoche depuis avant-hier. Je le déballe mais il a retiré son oxygène trop tôt, le temps de l'installer, il manque d'air si fort qu'il abandonne le projet de dormir avec sa machine. Je lui rebranche sa lunette qu'il enfile rapidement. Il range ses coussins et finalement se rendort profondément. Puis il me demande de lui mettre son coussin-serpent dans le dos comme je le lui avais suggéré. Donc, je me relève et cherche le coussin. Je lui dis d'attendre que je sois prête avant de remuer. Je le fais basculer sur la droite. Le temps de lui adosser le matériel il perd sa lunette deux minutes de trop pour la refixer et le voilà le visage cyanosé. Il souffle comme une forge et étouffe comme un poisson hors de l'eau... il ne peut vraiment pas se passer de l'oxygène.
Je lui dis que j'aimerai dormir, mais je dois rester près de lui sur le fauteuil pour le surveiller.
Dehors il fait un grand soleil et nous sommes confiné à l'intérieur depuis quatorze mois !
josiane horrent 11/02/2017 17:18