Samedi 4 février 2017... crises de douleurs aiguës...
La nuit a été longue... très longue ! Je me suis installée près de lui avec des chaussettes chaudes et ma couette fourrure polaire. Je n'ai pas dormi. Maurice accablé de toute part, assailli de fatigue, de douleurs, de tourments s'écroule sous sa lunette d'oxygène.
Il passe une phase de sommeil apaisé pour enchaîner sur un sommeil semi-conscient habité de cris de douleurs, de crises de gratte (œdèmes enkistés, capitonnés sur tout le corps), de délires, de paroles confuses et cela me plonge dans un gouffre de souffrance.
Puis après une prise de morphine que je lui fais absorber en le réveillant, il traverse une phase de long sommeil apaisé. Et il repart dans la douleur invraisemblable et les cris, les cauchemars, la confusion, les appels que je tente d'apaiser encore avec une prise de morphine et de nouveau le calme s'installe.
Je ne dors pas, je veille sur lui. À trois reprises il perd sa lunette. Je dois lui raccrocher, ce qui m'est très difficile à faire, cela le réveille à moitié, il tâtonne pour comprendre ce qui se passe et finit par m'aider. Je lui masse les jambes dans chaque crise de douleurs et de gratte insensées à leur paroxysme.
Je me félicite d'être restée là près de lui. Dans sa deuxième crise toujours vers quatre heures du matin, une vive douleur cardiaque pour la quatrième nuit s'est ajoutée à l'ensemble. Cela me terrifie à chaque fois. Je l'observe, vérifie si sa lunette est bien en place et surveille la montée de la crise. Cette fois, je n'ai pas eu besoin de lui donner son natispray, tant mieux ! Dans chaque crise épouvantable, il se frotte les deux jambes l'une contre l'autre frénétiquement. Une vraie folie !
Lorsque vaincu il s' apaise, je m'assoupis par deux fois une heure puis sur le matin à sept heures trente enfin dans mon lit jusqu' à neuf heures.
Au matin, zombie je demeure encore près de Maurice puis je vais préparer notre déjeuner. Lorsque Maurice a terminé son repas l'infirmier arrive pour les soins qu'il pratique avec diligence puis il passe aux miens.
Pour les soins de Maurice il va bien falloir se résoudre à former une équipe où j'entends bien être respectée, que nous soyons respectés dans la mesure où je suis la personne de confiance de Maurice, son épouse et sa seule famille. Il a exprimé par écrit sa volonté de ne pas subir d'acharnement thérapeutique et je suis là pour faire respecter ce droit, notre droit en tant que malade. Il souhaite simplement être soulagé le plus possible et dans la dignité.
Nous avons traversé depuis dix-huit ans de très durs moments et nous les avons affrontés avec une force sans égale, unis par notre force commune, notre amour et notre respect. Nous avons appris à nos dépens par la très grande souffrance ce que nous savons sur les traitements qui peuvent être appliqués à tort sur Maurice par trop d'errances médicales. Nous en avons payé un prix trop lourd et savons que certains traitements mènent à la mort plutôt qu'au soulagement espéré et vers la vie.
J'aime le respect. Seule avec mes enfants c'est une règle absolue que je me suis appliquée à inscrire dans notre univers familial et cela nous a conduit à cet immense respect mutuel, et à nous aimer plus fort que tout. Nous avons traversé les crises dans la franchise, la droiture et l'amour. Cela nous a unis, soudés comme les doigts de la main et nous avons traversé ensemble les plus durs moments qu'ils soient donnés de vivre à un parent isolé victime de violences conjugales protégeant ses trois jeunes enfants.
J'entends que cela soit ainsi autour de Maurice. Je n'aime pas le double langage, celui par devant et l'autre par-derrière... on ne peut pas avancer ainsi.
Il faut de la franchise, de la clarté et du respect les uns envers les autres et en l'occurrence, le malade et sa famille doivent être entendus et respectés en tant que tels. C'est cette lutte que je mène depuis que Maurice est retombé au cœur de la maladie à outrance, conduit à subir une double trépanation de la boîte crânienne par la prise de deux remèdes inadaptés, par errances médicales.
N'empêche que notre vie a basculé dans l'invivable, pourrie, ravagée et dévastée depuis ce sinistre et funeste mois d'octobre 2014, deux mois et demi après notre arrivée en Bretagne, cela nous accable et nous jette dans un chaos indescriptible. Il faut trouver une force inouïe pour tenir jour après jour l'impossible...
Cet après-midi nous avons fini par trouver le sommeil salutaire, je me suis endormie près de lui pour aller finalement sur mon lit... j'ai trouvé ainsi un meilleur repos.
Ensuite l'infirmier est revenu puis nous avons dîné. J'écris ces quelques lignes avant d'aller le retrouver pour la soirée et la nuit qui s'annonce encore agitée... je regarde un téléfilm puis j'éteins et retourne sur l'ordinateur, mais il ne parvient pas à s'endormir. Les affreuses démangeaisons l'ont repris. Il a remis la télévision pour avoir des images et un vague son qui finira par le bercer.
Il nous reste un dimanche à passer avant de recevoir mercredi l'équipe des soins palliatifs à domicile 'Betek Pen' pour prendre en charge le traitement de la douleur ; puis le lendemain il devra se rendre en ambulance à sa consultation en pneumologie au CHRU de Brest... encore un difficile et long déplacement inutile.
Quant à moi, je dois encore vérifier, mais je devrai le même jour me rendre en VSL en ophtalmologie à Quimper. Malgré notre opération de la cataracte en novembre 2016, je perds la vue de près à grande vitesse. Le diabète me mange les yeux et m'abîme les pieds.
Bon, je vais installer Maurice sous son respirateur en espérant qu'il parvienne à le supporter ce qui n'est pas gagné...
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