Jeudi 16 mars 2017... adieu, ma chérie !
La nuit démarre dans l'enfer. Vers vingt heures trente les maux de crâne s'installent avec force et cela va durer jusque vers minuit. Je vais chercher une bassine d'eau froide pour lui passer un gant sur la tête qu'il garde jusqu'au suivant. Il ne trouve pas de paix.
Il souffre férocement. Son œdème a bougé, il se situe dans les sphères cognitives, le mal de tête est récurrent depuis le mois de janvier et il augmente de jour en jour. Depuis quelques jours j'ai remarqué que son pied gauche se tient recroquevillé et paralysé. Son bras gauche aussi semble affecté.
À vingt heures il prend ses remèdes dont 80 mg d'oxycontin comme prévu. Vers vingt et une heures, il souffre trop alors je lui donne 20mg d'oxynorm et ainsi deux heures plus tard, puis deux heures plus tard encore. Il s'apaise et ses maux de tête sont partis. Je demeure cependant près de lui.
À cinq heures, il se sent très mal et comme les jours précédent il me dit :
–Adieu, chérie, je vais mourir.
Finalement la crise passe et à six heures je file dans la chambre pour dormir un peu. Il s'endort profondément jusqu'à l'arrivée de Sylvie qui me réveille. Je l'envoie acheter le pain et des pains aux chocolat pour Maurice. Comme d'habitude je lui donne ses comprimés du matin et je lui prépare une tartine beurrée à la confiture puis je déjeune. Ensuite j'attends l'infirmier sur mon ordinateur.
Quand-il est là, il passe aux soins quotidiens pour nous deux et se retire. Sylvie vaque aux occupations de la maison puis nous allons ensemble couper un peu de haie. J'ai besoin d'être accompagnée car dans les endroits non accessibles pour mon fauteuil roulant, mon déséquilibre est trop grand sur mes béquilles. Nous faisons vite car il est déjà tard et elle quitte son service à midi.
Maurice a mieux mangé qu'à l'ordinaire, deux pains au chocolat, deux kiwis, une menue tranche de veau aux champignons à la crème, un yaourt aux fruits.
Après le déjeuner, le médecin vient nous voir accompagné d'une nouvelle stagiaire. Ce médecin est remarquable quant à la formation de ses confrères malgré sa surcharge de travail. Nous apprécions vivement son remplaçant, un très jeune médecin au talent formidable.
Nous sommes contents de le voir et malheureusement il ne peut que constater très tristement l'état devenu plus que précaire de Maurice. Il nous rejoint dans notre impuissance à faire quoi que ce soit, sinon le soulager le mieux possible... soulager, apaiser la douleur devient le maître mot de cette situation dramatique.
Maurice réclame que l'on abrège son supplice, mais comment y avoir recours dans un pays comme le nôtre où notre société n'éprouve aucune humanité pour son prochain. Tout le monde préfère se voiler la face et laisser les gens en fin de vie souffrir plus que de raison. Nous avons bien des progrès à faire dans ce domaine.
Je pense à ma mère Alzeimer très tôt. Opérée d'une hanche à 83 ans, elle s'est retrouvée grabataire et attachée dans son lit durant sept ans. Est-ce normal, est-ce humain ?... Je connais un autre exemple que je ne citerais pas ici pour l'avoir vécu de très près. Je pense que tout cet état de fait est lamentable, indigne de nous.
Fort heureusement les jeunes médecins que j'ai pu rencontrer me semble plus à même de comprendre. Ils ont à mon avis un sens de l'humain plus aigu et ils me paraissent plus à l'écoute de leur patient. Il faudrait simplement que la médecine prenne garde au mauvais chemin qu'elle emprunte avec la rentabilité à tout crin due au lobbys.
Pour l'heure Maurice vit un calvaire épouvantable. Le médecin nous laisse un nouveau calmant neurologique. Puis avec sa stagiaire il prend congé de nous.
Mon époux tente de dormir, en vain. Je reçois Alexandra qui vient pour mes soins de pieds. Je ne parviens pas à faire une sieste car Maurice ne cesse d'avoir besoin de moi. C'est au tour de l'infirmier qui après ses soins court à la pharmacie pour prendre le dernier remède.
Nous soupons puis Maurice prend ses comprimés du soir. Il espère pouvoir dormir, passer une nuit sans douleurs.
Il a fait un temps royalement beau aujourd'hui. Ce soir, je retrouve la chèvre perchée sur le toit du poulailler extérieur... voilà par où elle passe cette chameau !
Je lui parle gentiment, je ne veux pas la brusquer. De plus je risque de tomber à tout moment car je me suis approchée d'elle sans béquilles tant j'ai eu hâte de la faire rentrer avant qu'elle ne se sauve hors de l'enclos.
Je la câline de la voix, je lui demande de rentrer par-dessus la clôture, d'être gentille et le croirez-vous ? Elle m'écoute, elle est sage, elle ne prend pas la poudre d'escampette ! Non en équilibre sur le toit du petit poulailler extérieur, elle s'introduit entre les deux fils de fer et saute dans son enclos... à la bonne heure !
Je suis grandement soulagée car la porte de l'enclos ne s'ouvre plus et elle risquait de passer la nuit dehors avec tous les risques qu'elle s'échappe... il ne manquerait plus que ça.
Du coup je glisse une caisse plastique au-dessus du poulailler devant le trou que j'attache avec du fil de fer.
Demain avec Nelly nous allons devoir poser du grillage à poules (fort heureusement il m'en reste!) tout en haut de la clôture et tenter d'ôter la serrure défectueuse pour fermer la porte avec un tendeur, ce sera plus sûr !