Vendredi 10 mars... quelles nuits !
Je demeure près de Maurice dans le fauteuil releveur et la nuit se présente comme celle d'hier aussi agitée et difficile. Vers une heure du matin, je vais dans la chambre histoire de me reposer les jambes et mon corps douloureux qui ne tient plus la pression. Une heure plus tard des appels au secours me réveillent en sursaut :
–À l'aide chérie, viens-vite, viens-vite !
J'arrive sur mes roulettes
–Mais que ce passe-t-il, Maurice ?
–Vite, j'ai un bouchon de Champagne coincé dans ma sonde.
Je vérifie la sonde. Je regarde le parcours de celle-ci, rien ne coince :
–Mais non, Maurice, tout va bien, tu as fais un mauvais rêve !
Je regarde un peu tout son environnement... il peut dormir tranquille et je retrouve mon lit.
À cinq heures, il me réveille en criant. Je me réinstalle près de lui et je vais ainsi être appelée sans cesse pour des frayeurs ou des soins. Cependant avec les prises régulières de morphine avant les crises de douleur il ne sera pas trop douloureux. Je m'endors entre chaque appel et jusqu'à l'arrivée de Nelly.
Je prépare une tartine pour mon époux et je déjeune. Nelly m'a fait le café et les tartines grillées. Je me prépare et me dépêche car ce matin, nous partons en courses. Il est neuf heures trente lorsque nous quittons la maison et Corinne est arrivée pour les soins de Maurice. Je lui rappelle que la psychologue viendra lui rendre visite à dix heures trente.
Nous rentrons des commissions à onze heures trente et la psychologue n'est plus là. Maurice très pâle dort profondément. Nelly vaque aux dernières tâches et va voir le courrier. Lorsque Maurice se réveille il ne sait plus rien ; où est-il, que s'est-il passé ? Je lui rappelle tout.
Il ne lui semble pas avoir eut la visite de la psy. Il a raison, en prenant lecture de mon courrier (que j'avais oublié durant la semaine) le réseau Betek Pen m'annonce froidement qu'il nous laisse tomber dans une lettre laconique, sans aucun motif, aucune explication ! Bof, voilà un an et demi que Maurice est alité dont six mois dimanche que je veille mon mari 24 heures sur 24 alors qu'il gît au fond de son lit, couché sur le flanc gauche, sans pouvoir se relever, ni bouger, sans même pouvoir s'asseoir, alors un peu plus, un peu moins... la souffrance que nous endurons qui peut la comprendre, qui peut la vivre ?
Au repas de midi, Maurice mange une tranche de colin pané et un peu de fraises. Il dort profondément tout l'après-midi. Au soir il mange un petit morceau de saumon fumé, un petit bol de carottes, un peu de fromage blanc de chèvre.
Il somnole. Il attend le moment où nous resterons ensemble devant la télévision bien qu'il ne puisse plus suivre aucune émission, mais il profite de ma présence à sa façon et moi aussi.