Mercredi 24 mai 2017... souffrir toujours plus dans l'indifférence généralisée du corps médical...
À quatre heures ses quintes de toux prolongées et très encombrées me réveillent. Je dois aller lui donner son spray de propolis... il n'arrive pas à le faire fonctionner. Après moults hésitations je lui tourne à l'envers la tête en bas et ça marche... normal il est couché ! Au bout d'un long moment après cette crise voilà qu'il s'étouffe... une nouvelle détresse respiratoire où il devient rouge, puis violet... son visage est boursouflé et des petits vaisseaux ont éclatés sur ses joues. Je mets un peu plus de pression un instant sur l'extracteur d'oxygène jusqu'à ce qu'il retrouve sa respiration déjà si difficile. Quand il va mieux il me réclame un morceau de gruyère avec du pain.
Je retourne me coucher vers six heures. Je me rendors profondément. Il me sonne à sept heures mais je suis incapable de me lever. Il me rappelle à sept heures trente... il a faim ! Je râle un petit peu... il pouvait attendre jusqu'à huit heures et même huit heures trente lorsque Annie franchira la porte.
Bon, je rêve de retourner au lit, mais tant pis... je suis bien réveillée à présent... je commence le déjeuner. Je grille les tranches de pain que je badigeonne de confitures... je suis en panne de beurre. Je lui porte son déjeuner. Annie arrive et prend la suite... je suis crevée. Je ne dors pas assez, mes douleurs sont extrêmes et je ne parviens plus à me mouvoir pour faire les transferts. Je ne tiens plus debout que quelques minutes.
Lorsque l'infirmier arrive, je file vers les animaux avec Annie qui m'aide à couper du fusain et à leur changer l'eau. Lorsque nous rentrons, il vient de partir ainsi Maurice ne reste pas seul. D'ailleurs à peine seul, il m'appelle car il suffoque, il a besoin d'air. J'ouvre à demi le volet afin de faire du courant d'air entre deux baies vitrées, malgré le grand soleil qui gêne pour regarder la télévision.
Le repas est prêt des restes d'hier, Maurice ne parvient pas à dormir. Je le laisse à quinze heures pour faire une sieste mais à seize heures mon amie Éliane me réveille. Je me lève et nous buvons le café. L'infirmier revient et nous partons à la cuisine... puis elle me quitte.
Je dois changer Maurice, ensuite nous soupons. Il prend un peu d'omelette, du fromage blanc et une pomme. Il a pris tous ses remèdes au nombre d'une vingtaine dont deux comprimés de séresta... avec ça il devrait dormir ! Pas sûr, les douleurs en général le réveillent avec violence. N'empêche Maurice vit un calvaire atroce et il ne faut pas compter sur l'aide du corps médical pour le soulager... c'est épouvantable de le voir dans cette situation extrême depuis plus de huit mois... on ne ferait pas ça à son chien... et Maurice au bout du rouleau n'en peut plus... il me le dit sans cesse et chaque jour. Pauvre Maurice affublé de tant de pathologies gravissimes gisant ainsi dans son lit sans bouger, sans rien pouvoir faire que de compter les minutes, les heures... et souffrir, souffrir, souffrir...
Mardi 23 mai 2017... la trop dure réalité...
Effectivement Maurice s'endort tôt et moi je pique du nez si fort que je décide de regagner la chambre... il me réveille par des cris à deux heures... il se tord sur son lit bloqué par une crise de constipation et des crises d'étouffement. Il va durer ainsi jusqu'au matin... je fais tout ce que je peux pour l'aider, je le change par deux fois et ainsi durant deux heures, puis je retourne me coucher... je suis debout à sept heures et je prépare les déjeuners.
Il s'offusque :
–Mais qu'est ce que je fous là avec mon lit au milieu de la route ? !
Plus tard il me dira :
–Téléphone à ma mère !
–Mais tu sais bien qu'elle est décédée !
–Ah oui, c'est vrai !
–Appelle ma sœur et dis-lui que ça s'est bien passé !
–Mais quoi donc ?
–Mon opération !
–Mais chéri c'était le 25 novembre !
Ce matin, nous apprenons l'horrible barbarie qui frappe Manchester ! Il n'y a pas de mots pour décrire une telle atrocité... je suis bouleversée.
Lorsque Véronique arrive je n'ai plus qu'à me rendre dans la salle de bains. Elle passe tout de suite à la vaisselle, la lessive à étendre. Lorsque je suis prête nous partons à la pharmacie et nous croisons l'infirmier. C'est bien Maurice ne sera pas tout seul... au retour nous le croisons dans l'autre sens... Maurice ne sera pas resté trop longtemps seul.
J'épluche des carottes et des oignons à la cuisine. Véronique vient m'aider pour couper le tout en rondelles fines. Je prépare du poulet aux carottes à la crème avec un riz.
Véronique nous quitte à midi. J'aide Maurice dans son repas. Il va se battre encore tout l'après-midi avec ses jambes, ses crises de mal au ventre... et il m'appelle sans cesse, toutes les cinq minutes je dois être à son chevet que je sois en cuisine, au bureau, dehors... je ne dispose que d'un temps très court pour vaquer à mes occupations. Sur l'ordinateur lorsque j'ai trop de travail, je dois le faire lorsqu'il dort et il dort peu malgré les cachets... rien ne l'apaise !
Le médecin arrive et nous parlons des dispositions prises par mon époux pour la suite de ses soins... il refuse tout acharnement thérapeutique et demande une sédation continue jusqu'à ce qu'il parte... mais c'est toujours pareil avec le corps médical, c'est difficile de leur faire admettre qu'un être humain dispose de sa vie et qu'il souhaite finir dans la dignité !... C'est un long et lourd débat que nous avons échangé et ce depuis 2009 et nous en sommes d'accord l'un comme l'autre.
D'ailleurs je vais signer les mêmes papiers pour moi-même... je ne veux pas me retrouver dans la même situation que Maurice surtout que ma maladie m'y entraîne tout droit !
Du coup, nous oublions de parler de l'infection urinaire que Maurice semble avoir de nouveau. Heureusement je pense à l'ordonnance pour la pharmacie.
Après le départ du docteur qui l'a trouvé marqué par l'étouffement où il m'a recommandé de lui monter la pression à 2litres et demi pendant une demi-heure, Maurice est toujours aussi mal. Lorsque l'infirmier arrive il faut le changer. Il l'arrange dans son lit mais cela ne dure pas comme d'habitude... il retrouve toujours sa position aussi inconfortable, en diagonale avec les pieds à l'extérieur du lit. Il a aussi beaucoup de mal à le soulever et à le tourner.
Après le départ de l'infirmier je le change encore deux fois. Ce soir Maurice n'a envie que de deux œufs durs. Il est mal... très mal... il étouffe, puis il ressent une douleur cardiaque... puis à vingt heures il prend mal à la tête. Cela n'en finit jamais.
Il me dit qu'il zézaye et il me demande un café... il bredouille des mots inaudibles... puis il me questionne pour savoir qu'est ce qu'il y a de l'autre côté de la télévision... le salon, là où tu étais il y a quatre jours...
Lundi 22 mai 2017... il n'en peut plus... il en a marre...
La nuit a été difficile comme chaque nuit. Je suis allée au lit mais il m'a sonné quatre fois toujours pour les mêmes douleurs, jambes, prostate, tête...
Au matin je voudrais dormir encore mais il m'appelle à huit heures. Je prépare les déjeuners puis Nathalie arrive qui revient de vacances.
Elle s'attaque de suite à la vaisselle, au linge à étendre et nous allons cueillir des fusains. Elle ramasse des chardons très nombreux dans le pré voisin. Puis elle va distribuer notre récolte à nos petites amies ravies de l'aubaine. Ensuite elle termine ses tâches et nous quitte à midi.
J'ai préparé un riz blanc et du saumon avec un demi avocat en entrée. Maurice dort très peu. Je demeure sur l'ordinateur pour du courrier.
Au soir nous regardons un téléfilm et nous pourrons dormir. Peut-être comme d'habitude depuis quelques temps nous nous endormirons sans rien voir...