Mercredi 16 juin 2017... une situation intenable, des douleurs invivables...
Depuis deux heures je l'entends dans mon sommeil tousser et s'étouffer. À cinq heures cela devient intenable pour lui, et je me lève. Ses quintes et ses détresses respiratoires ont finies par le réveiller tout à fait. Il a besoin d'aide et je vais rester debout pour tous ses besoins. Puis à sept heures, il veut que je le lave, le change, l'arrange dans son lit. Je fais ce que je peux et malheureusement je ne peux pas grand-chose... je ne reste guère que quelques minutes debout, je suis déséquilibrée comme une quille et je suis très lente. Je marche avec grand-peine trois ou quatre pas avant de retomber lourdement dans mon fauteuil. Je suis catastrophée par une telle situation.
Annie vient à huit heures trente et se met aussitôt au travail. Elle me rend de bien grands services, car moi je n'ai plus la force de tenir quoi que ce soit. Il me faudrait un petit chien pour ramasser les très nombreux objets que j'ai fait tomber. Elle met toutes les lessives à sécher au soleil devant la maison, avec un tel feu le séchage sera rapide.
Les soins sont effectués par une infirmière remplaçante qui s'acquitte fort bien de sa tâche. Annie donne un coup de main pour le remonter dans son lit. Maurice reste énervé, douloureux et plaintif toute la journée... il m'appelle toutes les cinq minutes à son chevet pour une chose ou une autre... quoique je fasse je suis interrompue pour ses besoins : boire, manger, couvrir, découvrir, recouvrir, ventiler, fermer les fenêtres, les ouvrir, changer, masser, soulager, mettre un coussin, l'enlever, le remettre... etc... etc...
Je prépare une jardinière de légumes mais il ne veut rien manger sauf un morceau de flogniarde aux poires.
L'après-midi se révèle aussi mauvais que les jours précédents. Son état se dégrade terriblement vite et ses souffrances ne font que s'accentuer. Il tente de dormir sans succès, nullement apaisé. Il a mal de partout et ne cesse de bouger ses jambes pleines d'eau. Je le masse plusieurs fois. Exténuée, je m'endors une heure dans le fauteuil releveur près de lui, mais il ne va pas cesser de m'appeler pour ses douleurs diverses. Je ne peux pas bouger bloquée par une crise d'asthénie et mes propres douleurs. Il doit attendre que ma crise passe.
Bien que très mal, je le change... la vie pour lui ne représente plus qu'un énorme fardeau épouvantable de souffrances... plus rien n'a de sens.
Au soir la remplaçante de l'infirmière revient et elle s'acquitte fort bien de sa tâche. Comme depuis tous ces derniers jours, Maurice cyanose lorsqu'il doit se tenir sur le coté gauche et pire encore sur le côté droit. Ce soir il sera épargné de cette épreuve insoutenable. Nous discutons un moment.
Avant le repas du soir, je rentre le linge sec et le séchoir. Je plie le linge après le souper.
Maurice mange peu, il reprend ses maux et je ne sais plus quoi faire pour le calmer... il recommence à m'appeler sans cesse ; il crie, il se plaint. Son infection urinaire le fait beaucoup souffrir avec une sonde qui continue de fuir. Ses jambes s'agitent frénétiquement, son ventre est gonflé à bloc, sa respiration comme depuis neuf mois toujours aussi saccadée est devenue plus que précaire.
Il a pris ses remèdes qui ne servent plus à grand chose... j'espère seulement qu'ils vont l'apaiser et le faire dormir... quand vivre devient invivable.
Mardi 13 juin 2017... soulagement dans notre trop grande souffrance...
Endormie depuis vingt-deux heures, je l'entends tousser, s'étouffer et se débattre depuis un petit moment.
Je me lève... il est trois heures quinze. Je vais le voir. Je m'aperçois qu'il est trempé. Il me dit qu'il a froid, et qu'il est tout mouillé. Lorsque je retire son drap, je constate que la sonde a fui pour la énième fois et je comprends que Maurice s'en plaigne si souvent. Je trouve un autre drap sur le séchoir... tous les draps sont à la lessive ! Je lui remets sa couverture, je lui ajoute sa grosse polaire et je mets le radiateur en route. Pour ce matin la météo nous prévoyait 9° et 20° cet après-midi... un petit coup de chauffage près de Maurice sera le bienvenu.
Je tourne autour de lui deux heures durant où il ne cesse de tousser et de s'étouffer. Je ne sais pas comment l'apaiser... je lui donne ses gouttes de propolis, je monte le niveau de l'oxygène pour lui envoyer plus d'air. Plus tard il a besoin de son stérimer. Il se plaint de tout et frotte continuellement ses jambes l'une contre l'autre d'une manière frénétique. Il faut dire que ses jambes sont pleines d'eau elles aussi, mais ses bras également ; son corps tout entier est gonflé comme un énorme ballon dur et rougi... dans ces conditions affreuses il ne peut que souffrir.
Je ne peux plus dormir. Le jour point déjà à cinq heures trente et le soleil s'est couché hier soir à vingt-trois heures... les journées sont fabuleusement longues. Je m'installe sur l'ordinateur. Maurice se plaint à nouveau d'avoir froid... je retourne à son chevet et lui rajoute une couverture... c'est vrai avec le lever du jour on ressent le froid nous pénétrer... il se rendort difficilement.
Une équipe de soignants renouvelée arrivera à six heures quarante-cinq ce matin. Je suis certaine que nous travaillerons dans une belle collaboration pour le bien de mon époux. Cela m'apportera dans tous les cas un énorme soulagement.
Je vais déjeuner très tôt aujourd'hui. J'ai peu dormi, je récupérerai plus tard dans l'après-midi, peut-être.
Une belle et jeune personne, souriante et douce à souhait frappe à la porte. Elle apporte les soins nécessaires à Maurice dans un état oh combien aggravé... elle va passer beaucoup de temps à le soigner avec une infinie douceur et mille et une précautions. Patience, amour de son travail la caractérise. Nous sommes terriblement soulagés, Maurice surtout qui a moins souffert dans les manipulations. Il faut le reconnaître, à l'évidence son état est monté encore d'un cran au-dessus dans une impressionnante gravité.
Depuis ce matin trois heures je n'ai pas arrêtée. Lorsque Véronique arrive, elle s'affaire aussitôt à la vaisselle et au rangement, étend une lessive puis nous partons en direction de la pharmacie prendre l'ordonnance de morphine et commander un grand drap de glisse (coût 160 euros pour nous) afin de pouvoir tourner Maurice plus aisément. Celui que nous avons est trop petit et pas 'très glissant'. J'ai aussi dégoté de gros draps en coton blanc que j'avais rangés dans les chambres du haut, ils vont pouvoir nous aider.
Au retour de la pharmacie j'ai le grand plaisir de trouver notre ami Alain au chevet de mon époux. Quel bonheur de le trouver là, moi qui angoissait de laisser seul à la maison ! Quelle merveilleuse gentillesse !
Notre soignante revient à onze heures trente et reste avec nous un très long moment. Elle doit revenir en soirée.
Je mets chauffer une tourte aux poireaux et nous mangeons à quatorze heures. Maurice littéralement épuisé mange entre deux profonds sommeil. Je lui donnerai le reste du repas plus tard. Je vais porter du grain aux animaux, mais il m'appelle car il a soif... il ne parvient plus à atteindre son 'canard' sur le chevet près de lui. Je remarque des troubles aggravés dans ses gestes psycho-moteurs. Je rentre par la rampe de derrière et repart pour ranger le fauteuil électrique au garage et je retrouve le manuel. Je prépare une flogniarde aux poires car elles sont en train de s'abîmer. J'ai aussi préparé deux litres d'eau de Javel pour désinfecter les ustensiles de soins, les bassines, les tables... Maurice est porteur un germe très contagieux et ce depuis un mois ou plus. Je viens de recevoir les analyses seulement aujourd'hui.
Je me mets un moment sur l'ordinateur, il recommence ses crises de douleur. En soirée je ramasse les draps qui sèchent au soleil et je change l'eau dans les abreuvoirs... il dort, mais il m'appelle. Je l'entends alors que je jette aux animaux les branches de troenes apportées par nos amis et voisins et puis Nelly arrive avec une brassée d'herbe et elle peut m'aider. Ainsi je rentre plus vite, je dois le changer.
L'infirmère revient pour les soins mais Maurice très abattu ne parvient plus a fournir les efforts pour se tourner... sa respiration est devenue si difficile ; il souffle même en buvant, en mangeant. Soudain, il prend une douleur cardiaque et nous lui passons le natispray. Il va trop mal pour pouvoir terminer les soins.
Puis nous passons au repas... il n'a envie que d'un morceau de flogniarde aux pommes et puis deux, et enfin une mousse au chocolat. Il termine presque endormi, je le fais manger, ses gestes ne sont pas coordonnés.
Je dîne à mon tour puis je vais un petit moment sur l'ordinateur... j'aimerai me reposer un peu devant la télévision mais je crains vraiment de m'y endormir comme hier soir... où j'ai rejoint mon lit à vingt-trois heures... il faisait encore jour !
Le temps magnifique aujourd'hui fut chaud et ensoleillé... nos fifilles sont heureuses. Ce soir Froudenn (Caprice) prend une crise de jeu toute seule, elle court dans tous les sens sur les estrades, s'affole après les poules et puis ça y est, elle entraîne Aig (Aik-Petit Bisou) dans sa douce folie !
Je m'endors devant la télévision, Maurice dort très profondément, je file me coucher dans la chambre.