2015 / annonce de Dana LANG, conteuse professionnelle, auteure, poète,
LA FONTAINE DE LA MER – Feunteun Aod
écrit le 4 octobre 2014... conte inspiré par le petit port de Feunteun Aod à Pendreff, Plogoff...
*Prix Paul Éluard décerné par le Jury du Grand-Prix de Petite-Camargue 'Les Amis de Frédéric Mistral et d'Alphonse Daudet), le 12 mai 2015.
Jeudi 20 juillet 2017... serait-ce possible qu'il ressuscite à nouveau ?
Maurice me réveille à quatre heures pour des maux de jambes... je lui donne un doliprane. Il a faim et froid. Je lui passe une brioche et lui dépose une couverture.
Je retourne me coucher à cinq heures, toujours avec de très violentes douleurs dans le dos, les reins, les jambes. Je me rendors. J'entends l'infirmière dans la maison mais je dors trop jusqu'à sept heures quarante-cinq. Puis je déjeune.
Véronique prend son service à huit heures trente. J'ai quelques courses à faire. Elle dépose mon fauteuil manuel dans le coffre de sa voiture et nous rencontrons Pierre notre ami et voisin. Il me dit qu'il passera voir Maurice pendant notre absence... c'est vraiment tellement gentil. Me voilà tranquille pour chercher mes chaussures chez le cordonnier, passer au magasin d'informatique pour des clefs USB et au bricolage pour une ampoule spéciale. Je vais en rapporter deux qui ne vont pas du tout, j'ai oublié d'emporter le modèle ! Bon, je devrais y retourner, quelle poisse !
L'infirmière revient et nous constatons de nouveaux les progrès sur l'état de Maurice... et je le trouve nettement moins confus cet après-midi.
Il suit le Tour de France à la télévision. Installée sur l'ordinateur, je ferai bien une sieste... je me sens très lasse.
Mercredi 19 juillet 2017... vers un léger mieux...
La nuit a été calme. Vers une heure du matin, il est pris de démangeaisons et je dois le masser avec de la pommade à la calendula. Puis il a faim, je lui donne des petites brioches aux pépites de chocolat... il a froid, je le recouvre d'une couverture. Je retourne me coucher à deux heures.
L'infirmière passe à sept heures du matin pour donner les remèdes à Maurice. Un comble la faire revenir rien que pour cela, alors que nous avons des piluliers et que les cachets doivent lui être donnés à huit heures et à vingt heures !
Je l'entends marcher mais je dors trop fort malgré d'affreuses douleurs je dors jusqu'à huit heures trente. Annie frappe à la porte, je me lève très en retard car je veux aller en courses. Bon, le temps qu'elle fasse le tour de la maison, je peux me préparer. Elle m'aide à faire le déjeuner de Maurice... puis nous partons. Nous rentrons à onze heures quinze... le temps de déballer mes paquets, de trouver huit œufs cachés dans la huche à pains mise au poulailler... l'infirmière revient pour les soins de Maurice et Annie va l'aider. Puis elle nous quitte.
L'infirmière s'en va à son tour. Nous constatons toutes les deux avec bonheur une amélioration de l'état de santé de Maurice. Il semble avoir perdu du poids, il semble que le diurétique à petite dose ait provoqué cela... mais je suis sur mes gardes car les diurétiques excitent son cœur qui sous cette pression fabrique trois fois plus d'eau... nous verrons, cela reste à observer et à surveiller.
En attendant, je remarque un mieux évident sur son état de santé... un truc aussi, il ne semble pas avoir souffert de la tête et du cœur depuis quinze jours... à suivre ! Va-t-il de nouveau ressusciter ?... J'ai du mal à y croire... mais comme dit ma petite-fille : Papy est indestructible !
En attendant, j'ai commencé mes recherches pour trouver une location de maison (pas chère) dans la région lyonnaise... tout est si difficile. Nous ne pourrons pas le faire si Maurice doit être transféré en ambulance... cela va nous coûter un argent fou !
Bon, nous verrons, mais à présent nous avons une furieuse envie de vivre plus près de nos enfants et petits-enfants... nous avons de belles fêtes en préparation.
Mardi 18 juillet 2017... il rentre dans le même état que depuis dix mois et où l'on bafoue de plein fouet la volonté des malades !
Et c'est reparti... le revoilà à la maison... dans le même état que depuis dix mois. Je lui ai téléphoné hier soir pour lui dire que je ne viendrai pas ce matin... économie d'un voyage mais aussi il faut préparer son arrivée, mettre son espace et son lit en état, ranger la maison et Véronique n'est là que ce matin. Il râle, il n'est pas content car il faut emporter toutes ses affaires un peu partout dans l'hôpital (en fait dans sa chambre, évidemment).
Ce matin j'ai d'abord appelé le service des soignantes pour savoir comment s'est déroulée la nuit et leur recommander de bien ramasser toutes ses affaires et les ranger dans sa valise. Puis je l'appelle pour le rassurer. Il a eu un début de nuit difficile dans la confusion, puis après un demi seresta il s'est endormi jusqu'à six heures. Il rouspète encore un peu. Les infirmières vont lui changer sa sonde entre dix et onze heures et il sortira à quatorze heures. Bon, mais du moment qu'il sort tout va bien !
Le temps comme chaque jour oscille entre gros nuages noirs à l'horizon, un ciel couvert qui se dégage d'un coup après quelques coups de tonnerre au loin pour s'ouvrir sur le grand beau temps chaud, très chaud.
Véronique arrive et prend son service. Elle range la maison qui en a un furieux besoin avant l'arrivée de Maurice. Je prépare le repas.
Lorsqu'elle s'en va il est midi et je déjeune. Maurice arrive à quinze heures en ambulance. Les ambulanciers devenus des amis depuis le temps s'acquittent fort bien de leur tâche. Il mettent la sangle du lève-personne et le soulèvent ainsi du brancard au lit. Il est enfin sur sa couche. Je m'aperçois que ses urines sont claires et abondantes... je suis sûre qu'il a un diurétique. Je regarde les ordonnances, il a du potassium, donc il doit avoir un diurétique... et sûrement un générique ! Ce que les médecins peuvent être autistes, obtus, bornés et si pleins de leurs certitudes ! Cela n'est autre que de l'acharnement thérapeutique ! ! ! Contrairement à la demande de Maurice, qui confus et faible n'a plus la force de résister... nous n'aboutirons pas !
Je suis colère et je prends le téléphone pour faire observer au médecin des soins palliatifs que j'avais bien signalé et re signalé cette volonté de non acharnement... de toute manière elle a décidé de faire donner les comprimés par l'infirmière... c'est fou la confiance, les rapports sereins du service des Soins Palliatifs de Douarnenez !
Ma décision est prise, nous allons quitter la région !
Lundi 17 juillet 2017... un autre été va passer dans cette situation innommable où l'on nous abandonne...
Je me suis couchée à une heure. J'ai regardé Carmen et je me suis régalée avec une mise en scène incroyablement moderne et grandiose. Seulement ce matin à sept heures je dors lourdement et je dois me lever. Ce que je fais, je me prépare, déjeune et file à la salle de bains.
Lorsque Nathalie franchit le seuil de la maison, je suis encore occupée, elle saute sur la vaisselle et elle étend une lessive. Puis elle plie le fauteuil roulant manuel, l'emporte dans la voiture, prend toutes mes affaires, un colis et mes lettres pour la Poste et dans notre précipitation j'en oublie le paquet pour Maurice. Il nous faut retourner à la maison. Elle court le chercher. Je passe à la boîte à sous, mais la Poste et les boulangeries sur notre passage sont fermées. Nous passons voir si la Poste dans le bourg voisin est ouverte, non il est encore trop tôt, tant pis nous filons en direction de l'hôpital !
Nous trouvons Maurice réveillé. Il reste confus. Il marche sans souci et il va chercher son fauteuil dans le couloir, un chouette fauteuil qu'il faut que je ramène à la maison... il vaut quatre millions ! Toujours cette obsession de la marche et des fauteuils roulants !
Bon, je parviens à communiquer un peu avec lui. Je lui dis que demain il sort. Oui, oui, il est content, il veut sans aller et le plus tôt sera le mieux. Pour moi, aussi.
Quant au reste je n'en peux plus de le voir dans cet état, j'ai le cœur crevé... malheureusement que va-t-il devenir, que fera-t-on de lui, combien de temps survira-t-il ainsi encore dans cet état ?... Et ses problèmes respiratoires et cardiaques se résorberont-ils ? Après tout 'il n'est pas mourant' (je ne le crois nullement et le problème n'est pas là, plutôt comment est-ce possible de laisser un être humain dans cet état aussi longtemps... on ne le ferait pas à un chien!), alors débrouillez-vous donc... les médecins s'en lavent les mains ! Ce faisant ils ne respectent pas notre liberté et nos Droits.
En tout cas, moi je ne peux réellement et objectivement plus m'occuper de lui et pourtant je suis là, fidèle au poste et je dois accepter notre misère et surtout l'horrible condition où l'acharnement thérapeutique inqualifiable des médecins a réussi à plonger Maurice...
On a fait tout ce qu'il fallait pour qu'il en soit ainsi... ne pas écouter mes alarmes quant à sa respiration difficile, quant à une trop lourde anesthésie générale pour une 61ème opération, quand j'avais prévenu que l'on ne l'endormait plus depuis quinze ans... et tout ça pour lui dire que sa hanche est foutue, mais l'autre aussi ! Les médecins nous avaient prévenus à Lyon... il lui faudrait aussi deux prothèses de hanche ! Tout comme ils nous avaient dit qu'il ne lui restait plus que 20% de son volume respiratoire... une trop longue litanie de problèmes insurmontables !
Il ne fallait surtout pas le re médicaliser... il ne fallait pas l'opérer de la tête par une double trépanation SANS ANESTHÉSIE, il ne fallait pas l'opérer de sa jambe... une antibiothérapie costaud aurait bien fait l'affaire... ah, j'en ai marre de ce corps médical qui fait bloc et n'écoute jamais, jamais ô grand jamais leurs patients ou leurs conjoints. Je suis la seule à bien connaître son état, les étapes par où il est passées !
Et quand je pense que l'on vient me dire qu'il n'a pas de caillot dans la tête, pas de Parkinson, quand il suffit de lui donner la main et l'on comprend tout ! Bientôt il n'aura pas de cancer de la prostate (alors qu'il faudrait l'opérer pour la 5ème fois... mais là on est coincé pour de bon !). Idem pour son genou droit... mais celui-là au moins on ne l'a pas touché en 2002, impossible !), il n'a pas d'insuffisance cardiaque et respiratoire, il n'a pas de polyarthrite, ni d'arthrose, ni d' hernies discales, ni, ni, ni !
Bon, mais maintenant il va falloir gérer au jour le jour une situation absolument dramatique et c'est bien sur moi que cela repose... moi avec mon drame personnel, ma maladie qui avance et mon diabète qui ne me lâche pas en ce moment. Enfin, je suis partiellement à l'abri, une maladie rare fait peur au corps médical et ainsi on me laisse en paix.
Evelyne Grangeon 21/07/2017 16:49