
Lundi 21 août 2017... il n'en peut plus... douleurs physiques, souffrances psychologiques insupportables...
La nuit se passe comme la précédente... il me réveille à une, puis à quatre heures pour des douleurs vives, ensuite sur le matin toutes les heures... beaucoup d'angoisse...
Nathalie me réveille et je me lève. Elle nous prépare nos déjeuners... je suis contente de ne plus me lever sans cesse pour une chose ou une autre... elle porte les tartines et le cacao à Maurice.
L'infirmière est passée tôt donner ses comprimés, puis elle revient pour les soins... Maurice souffre le martyr, il a réussi à se nouer la tubulure de la sonde autour de sa cheville... du coup la poche urinaire se remplit de sang.
Nathalie m'aide à étendre six draps lavés ce week-end, et elle a plié tout le linge des lessives précédentes que j'avais étendues à la maison et au garage. Puis elle me donne un fameux coup de main aussi pour changer de place le parc aux oies qui tondent la pelouse. Ensuite elle aide l'infirmière pour soulever Maurice, et elle s'en va prendre un autre service.
L'après-midi se passe difficilement, Maurice somnole sans jamais obtenir de repos. Je m'endors à côté de lui, mais cela ne dure pas, le téléphone sonne pour rien, et il me réclame sans arrêt... il demeure totalement désorienté... il pense qu'il y a des gens dans la maison, comme hier soir une vingtaine de personnes venaient dormir chez nous !
Il demande sans arrêt dans quelle pièce il se trouve, parfois il se voit dehors... il parle toujours de notre véhicule, il veut le conduire, il veut partir... du coup vers dix-sept heures, il prend une crise de panique totale, il veut sortir de ce lit, il veut descendre, marcher, bouger... il s'énerve.
L'infirmière arrive qui le trouve dans cet état , il s'en prend à moi, à elle, à tous qui sommes incapables de le sortir de ce sort affreux... oh, comme je le comprends, moi-même je ne le supporterai pas... rester ainsi gisant sur le lit, toujours sur le même point d'appui, sur la hanche gauche où son abdomen déborde de lourdeur, de flotte dont le poids excessif le fait verser de ce côté-ci, et où cela gagne maintenant le côté droit avec ses cuisses, ses fesses durcies comme le dessous de son ventre, et cet état le fait s'étouffer de plus belle... comment, oui comment peut-on demeurer ainsi affublé d'une sonde qui renforce sa misère, et une lunette à oxygène où il étouffe malgré tout à chaque petit effort... oui comment est-ce possible ?
Il crie, il hurle à Céline de lui apporter une mitraillette... cet après-midi, il me disait qu'il aurait dû se trouver à Barcelone, comme ça ce serait fini une bonne fois !... Et soudain il éclate en sanglots en pleurant qu'il n'en peut plus, il n'en peut plus... et moi tout à coup de le voir pleurer aussi fort, je me mets à pleurer dans mes mains, je pleure comme je ne l'ai jamais fait depuis des années... je lui tiens la main... puis je contiens mes larmes, car si je me laissais aller je ne pourrai plus jamais m'arrêter, tant je verserai tout ce chagrin immense contenu depuis tant de temps.
Je sors m'occuper de nos chèvres... lui continue avec l'infirmière qui pleure à son tour... elle lui propose une solution... pourquoi ne pas partir en rééducation à M..., puisque nous devons partir ?... J'avais penser à une hospitalisation, mais on ne peut plus rien lui faire sauf de s'acharner encore sur lui, les soins palliatifs ne sont pas pour lui 'puisqu'il n'est pas mourant' d'après les médecins, mais il n'est pas vivant non plus, alors la rééducation semble la seule issue. Il y a aussi la pneumologie à Lyon, mais il ne peut y rester qu'une nuit... à suivre...
Sous l'effet de cet espoir, Maurice se calme doucement. Il me demande de coucher près de lui cette nuit, ce que je ferais évidemment, même si cela me fait souffrir, de toute manière ici où dans mon lit je souffre chaque nuit.
Maurice n'a pas faim, moi non plus. L'émotion nous a brisés. Nous prenons un petit casse-croûte, toujours sur la petite table à côté de lui. Puis il somnole tout en poussant des râles de souffrance.
Il fait très beau ce soir après un matin plongé dans la brume, le soleil a fait son apparition sans un seul mouvement d'air... soirée parfaitement calme.