Samedi 7 octobre 2017... anniversaire de notre rencontre il y a dix-neuf ans : il s'installe à la maison.
À trois heures il m'appelle souffrant de méchants maux de tête. Je lui donne un calmant. Il va me rappeler plusieurs fois sur le matin mais je me rendors immédiatement après l'avoir soigné. Je n'entends pas l'arrivée de l'infirmière. Je dors si profondément que la maison pourrait bien s'écrouler je n'entendrais rien.
Je dors ainsi jusqu'à dix heures trente, car après le passage de l'infirmière qui donne tous ses cachets à Maurice, celui-ci apaisé dort sans s'arrêter. Je n'en reviens pas, j'étais si épuisée je pouvais également dormir sans arrêt car la douleur si violente depuis le milieu de la nuit me retient au lit mais je me force à me lever. Me lever à pareille heure remonte à des années en arrière !
Maurice dort si fort que je déjeune seule. J'ai fait griller ses tartines mais cela est inutile car il va se réveiller au passage de l'infirmière qui aujourd'hui l'installe dans le fauteuil et me propose de revenir le coucher à quatorze heures. En attendant elle en profite pour lui raser la tête. Au bout d'un moment Maurice ne se sent plus bien, il veut retourner dans son lit, pas la force de tenir jusqu'en début d'après-midi. Le revoilà dans son lit. Je lui ai donné deux gros kiwis et maintenant du poisson pané et des pâtes fourrées au jambon cru. Au dessert pour fêter notre anniversaire de rencontre j'ai prévu un morceau de Forêt Noire.
Nous nous souvenons que je lui avais téléphoné en lui disant :
–C'est bon, tu peux venir à la maison !
Quatre jours après nous choisissions notre date de mariage pour six mois plus tard... et nous commencions les préparatifs... comme par exemple partir à Quimper acheter de la dentelle blanche pour un manteau et à Douarnenez pour acquérir un costume de pêcheur breton pour lui et notre petit-fils Naïli, notre petite-fille Mélissa habillée comme moi, robe jaune en satin !
L'après-midi j'étends deux lessives, puis j'entreprends de ranger tout ce qui avait été retiré dans notre véhicule. Je trie papiers et objets divers. Finalement je profite de ce que Maurice dort à poings fermés pour inviter Clémentine et Nelly à m'emmener chez mes amis de la Pointe-du-Raz. Le premier est fermé alors nous allons chez Delphine et prenons un café servi avec une crêpe à la crème citron. Nous nous installons sur la terrasse en plein soleil avec la vue sur la mer. Un petit moment de quiétude dans mon océan de tristesse. Puis nous partons, à toutes les deux elles s'emploient à replier à chaque fois mon fauteuil électrique dans de grands éclats de rire. Comme cela est bon !
Je rentre à la maison... Maurice dort toujours. Je porte les déchets de la journée à Pierre pour les poules. Je reviens et je termine mon rangement. L'infirmière arrive pour les soins du soirs. Maurice se réveille à peine, idem pour le repas vite prit et il se rendort. Je m'installe sur l'ordinateur pour lire mes courriels... un message m'attend de ma tendre amie, Lucette. Toujours le même bonheur de la lire...
Ainsi, ce jour encore il y a eu ces petits moments magiques de la vie...
Vendredi 6 octobre 2017... notre anniversaire de rencontre : il y a dix-neuf ans....
Nuit blanche agitée par son insupportable douleur au fond du lit... ses démangeaisons dues aux œdèmes... ses selles difficiles et douloureuses que je vais chercher en tentant de le faire se tourner difficilement... il ne tient pas longtemps cette position il étouffe... maux de tête... bouffées de chaleur récurrentes depuis quelques jours... je dois lui mettre les deux ventilateurs et ouvrir les fenêtres la journée alors qu'il ne fait pas chaud malgré le grand soleil... il a soif... il a faim... et je n'en finis plus d'être là et là à m'agiter lentement autour de son lit. Dans les intervalles je lis le livre de témoignages en fin de vie ouvert sur un blog par Marie Godard, auteure, à la suite du décès en Belgique de son amie Marie Bert, également auteure.
Je suis révoltée par la maltraitance de toutes ces personnes en fin de vie que l'on laisse croupir jusqu'à ce que mort s'ensuive. Indignée, je ne décolère pas... nous-même pris dans le même étau par le corps médical depuis que Maurice a exprimé ses directives pour sa fin de vie et m'a nommé sa personne de confiance. Les médecins ont fait bloc et nous ont mis sous tutelle... je n'ai plus accès ni aux médicaments, ni aux ordonnances, et le traitement est administré de force... plus droit au chapitre. Ce faisant ils bafouent les Droits du Malade, le droit de la personne Humaine, sa liberté. J'ai rédigé un témoignage de 4 pages que j'envoie sur le blog de Marie Godard. Je l'envoie aussi à l'Association du Droit de Mourir dans la Dignité, association où nous sommes adhérents.
Finalement écroulée de fatigue je file au lit à cinq heures et demie. Je m'endors comme une masse, à peine entends-je le pas de l'infirmière et vaguement les appels continus de Maurice. Nelly entre et j'entrevois sa présence. Vers neuf heures Maurice impatient m'appelle... abruti de fatigue, là où j'étais je ne me serai pas réveillée de si tôt. Mais je prends sur moi et malgré la douleur je me lève en appuyant plus fort là où ça fait mal et j'arrive sur mon fauteuil pour déjeuner. Nelly a déjà donné ses tartines à mon époux, elle me fait les miennes et chauffe mon café. Je suis zombie.
Nelly va m'aider au jardin. Elle va donner un coup d'araignée dans l'enclos et jette toutes les branches sur la brouette. Soudain j'aperçois Henk sur son échafaudage, je le salue de loin. Puis d'un coup, je pense qu'il pourrait emmener tous les déchets à la déchetterie. Je l'interpelle et il arrive. Je lui demande s'il peut nous emmener sa remorque et il me propose carrément de tout emporter à la déchetterie, non seulement les déchets verts, mais aussi toutes les grosses pièces... tourets, palettes, cabanes. Nous avons la merveilleuse chance d'avoir des voisins en or. Quel bonheur !
Henk et Nelly remplissent une remorque de déchets. Henk saute dans sa remorque pour tout tasser et par-dessus il commence à déposer quelques tourets, objets que nos biquettes adoraient car elles couraient et sautaient dessus à qui mieux mieux. Ensuite il installe un filet par-dessus pour ne rien perdre en route, puis il pousse la remorque jusque dans son pré en attendant d'être disponible pour l'emporter. Pour l'instant il s'affaire à démonter son échafaudage.
Nelly nous quitte, l'infirmière est auprès de Maurice pour ses soins quotidiens. L'après-midi se déroule calmement. Maurice dort et je m'endors près de lui. Le soir de nouveaux soins nous occupent. Après le repas Maurice sombre dans le sommeil à vingt-et-une heures et moi épuisée par une nuit blanche également.