Lundi 13 novembre 2017... nouvelle nuit d'enfer... de plus en plus bas... de plus en plus enfoncé dans la douleur folle...
La nuit se déroule par les cris continus de Maurice. Il souffre très fort. Il ne me sonne pas, il veut me protéger mais je l'entends dans mon sommeil et je me lève souvent. Ses crises sont épouvantables... la douleur triple d'intensité la nuit, je suis bien placée pour le savoir. De violents maux de tête s'ajoutent à cela régulièrement depuis quinze jours.
De mon côté je tremble de froid comme à chaque problème infectieux. De mon pied s'écoule du pus que fort heureusement l'infirmière contrôle et soigne attentivement. La podologue viendra jeudi. En attendant j'avale ma ration d'antibiotiques. Cette situation aggrave mon état de santé déjà bien secoué.
Nathalie arrive ce matin à huit heures trente. J'avais l'intention d'en abattre un grand coup pour avancer les cartons mais je dois aller acheter une plaque de cuisson.
Nous ne trouvons rien dans le premier magasin où nous tournons un long moment, finalement nous poussons plus loin dans un autre commerce où par chance je trouve une plaque de cuisson et une plancha pour le prix d'une plancha dans le magasin précedent. Ouf, sauvée ! J'en profite pour acheter quelques petits régals pour lui... en attendant nous n'avons rien avancé à la maison.
L'infirmière revient et place une nouvelle sonde sur Maurice. Elle se trompe de sonde et met une 20 au lieu d'une 18. Maurice souffre le martyr tout l'après-midi. Je lui donne une morphine mais cela ne suffit pas à le calmer. Au soir, elle lui change sa sonde contre une 18, et déjà il se sent mieux.
Il se sent épuisé et n'a pas d'appétit. Je le sollicite avec du riz au lait qu'il adore, des petits macarons achetés ce matin, des noix... du coup, il mange un peu.
Ce soir il montre un visage et des mains d'une pâleur extrême... comme cela lui arrive si souvent... et il reprend ses crises dues à la nouvelle sonde.
Je le soigne. Je lui masse les points d'appuis qui le font tant souffrir, puis je lui applique deux gros pansements de mépilex pour l'isoler de son point d'appui. Il reprend des crises très violentes à chaque fois qu'il urine. Je lui donne ses calmants et un cachet de 'Nuit zen' et vers vingt-trois heures trente il s'apaise enfin et finit par s'endormir profondément... pourvu que cela dure... à minuit treize, il se tortille de douleur dans son sommeil en criant que cela lui fait trop mal...
Je ne supporte plus cette médecine acharnée, aveugle, mercantile et inhumaine.
Dimanche 12 novembre 2017... alité depuis 22 mois... grabataire depuis 14 mois... l'enfer en continu...
La soirée s'annonce difficile... il se plaint beaucoup... je lui donne sa morphine qui ne soulage plus aucune douleur... il traîne ainsi jusqu'à minuit... il semble s'endormir et je file au lit... il va me rappeler toutes les heures : une, deux, trois, à quatre je lui donne sa morphine... et il se rendort jusqu'à six heures où je dois le masser... l'infirmière arrive vers sept heures, je l'entends à peine. Je me réveille à neuf heures quinze, j'ai entendu son cri... mais il me dit que non... il crie de douleur même dans son sommeil.
Nous déjeunons... puis je fais la vaisselle. Je demeure un peu sur l'ordinateur. L'infirmière revient... puis nous prenons notre repas. Maurice s'endort et je reste sur l'ordinateur à la recherche de maison. Finalement épuisée, je file faire la sieste jusqu'à dix-sept heures trente. L'infirmière repasse.
Je me lance dans du pain perdu. Malheureusement je ne m'aperçois pas que j'ai mis le feu sous mon saladier en plastique et non sous ma casserole de soupe. D'un coup tout s'éteint !... Nous sommes dans le noir absolu avec une grosse tempête de vent et de pluie dehors. Je tourne en rond dans mon fauteuil roulant électrique... à ne rien voir, je me cogne aux meubles. Tout bip dans la maison, le matelas à air et surtout l'oxygène pour Maurice. Je cherche pendant un long moment la lampe de poche, j'en découvre une veille à remonter... mais elle est foutue... je recherche la longue lampe mais je ne la sens pas sous mes mains... pourtant je l'ai vu cette semaine sur la bibliothèque... je n'arrive à rien. Finalement je roule dans la nuit noire en direction de chez Pierre. Je le trouve chez lui et je lui explique la situation... il arrive en voiture avec sa lampe et trouve le compteur. Moi, je n'ai rien pu faire dans le noir. La lumière revient ! Nous remercions notre ami.
Je remets ma cuisinière en route et hop de nouveau dans le noir ! C'est bien ça j'ai fait cramer la cuisinière... tant qu'à faire, comme si je n'avais pas assez de problèmes comme ça ! Bon, je recherche la lampe posée sur la petite table et je vais remettre le dijoncteur en place. La lumière revient. Plus de quoi finir mes pains perdus... ils sont perdus, c'est le cas de le dire ! Bon heureusement que j'avais réussi à faire six belles tranches, bien réussies d'ailleurs... c'est dommage pour le reste... foutu !
La soirée s'achève sur toutes ces contrariétés. Maurice va passer une nouvelle nuit d'enfer ! ! !
Samedi 11 novembre 2017... nuit destructrice...
La nuit s'avance dans un état de douleur indescriptible... malgré les calmants... malgré les comprimés pour dormir... la nuit se déroule blanche de douleurs et de cris... au milieu de celle-ci je tente de me coucher, en vain... il crie si fort par vagues interminables :
–Aie, aie, aie, j'ai mal, j'ai si mal, j'ai trop mal !
Je fais tout ce que je peux autour de lui... je le masse d'un côté, puis de l'autre, puis ses jambes, puis ses pieds, puis ses cuisses, pui son dos, puis ses côtés, puis... et ainsi de suite... je ne tiens plus debout et je tombe à nouveau, cette fois dans les toilettes. Je ne peux pas me relever. Saisie de crampes fulgurantes dans les cuisses arrières puis dans tout le corps, je me surprends à pousser des hurlements de douleur où j'en pleure presque et je crie :
–Je vais me suicider, je vas me suicider, je vais me suicider !
Je suis à bout de toute résistance, à bout de souffrance psychologique, à bout de cette maladie qui m'apporte tellement d'incapacité, de difficultés à faire les choses et rend impossible certaines tâches... je ne peux plus m'habiller, ni me peigner, je bute sur tout ce que je dois réaliser pour avancer... seule, je laisse tomber les cartons que je dois remplir, de toute manière je suis si lessivée que dans les moments de paix, je dors. Maurice me sollicite presque sans arrêt jour et nuit.
Lorsque l'infirmière passe, je suis parvenue enfin à me mettre au lit à six heures trente et je dors profondément. Je me lève à neuf heures. Je prépare les déjeuners puis je me mets en cuisine. Je reste près de Maurice pour préparer mes légumes. Je prépare un ragoût de mouton aux carottes, patates, pruneaux pour trois jours. Je confectionne aussi une compote de pommes-poires. Je voulais faire un riz au lait mais je n'en ai plus la force, ni le courage.
L'infirmière repasse pour la toilette de Maurice et ses soins. Puis il refuse de manger, contrarié par ma discussion sans concession sur la fin de vie avec l'infirmière. Il faut dire que c'est moi qui en prend plein la tête et j'en demeure violemment secouée... mais cela n'a rien d'étonnant compte tenu de la prise de position des soignants sur la fin de vie. Ah, jamais je ne pourrai faire un tel métier ! Et je m'en prends aussi à Maurice dont j'ai l'impression que dans sa grande vulnérabilité il tient deux langages, mais je peux l'excuser.
Bon, épuisée par cette situation plus que dramatique je file me coucher. Par chance il s'est endormi et j'en fais de même. Je me réveille à dix-sept heures trente. Pendant ce temps rien n'avance dans la maison... je me rattraperai plus tard.
L'infirmière revient et passe à nos soins. Mon pied semble visiblement infecté heureusement que je suis sous antibiotiques... à suivre avec une grande vigilance.
Ce soir la journée s'achève dans un très grand épuisement pour lui, comme pour moi...
Vendredi 10 novembre 2017... enfin une nuit plus calme...
Maurice se plaint de plus en plus... je lui donne ses calmants et ajoute un comprimé de 'nuit zen' fait de quatre plantes : passiflore, tilleul, lavande, dolomite acheté à la 'Vie Claire' ... il finit par s'endormir à vingt-et-une heure. De mon côté lessivée par tant d'épreuves continues, je file me coucher à vingt-et-une heures trente.
Maurice dort profondément et moi aussi. De nouveau très douloureux il m'appelle à quatre heures, je lui donne ses calmants et il repart dans le sommeil.
Il me rappelle à six heures trente pour le masser. L'infirmière arrive peu après, mais je suis au lit et je me rendors. Nelly frappe et entre à son tour. Je me lève difficilement. Elle prépare notre déjeuner et je file m'habiller. Nous partons pour aller au garage (notre véhicule passe au contrôle technique aujourd'hui), acheter un euromillion et un loto pour Maurice où nous prenons un café, le temps de faire nos grilles... puis nous rentrons. Nelly veut retirer toute la féérie que nous avions installée Maurice et moi sur le muretin de l'entrée... c'était si joli mon univers ainsi représenté et à présent cela fait un grand vide comme dans la maison où toutes les nombreuses sorcières ont été emballées avec les nains, les dragons, etc... nous réussissons à plier toutes les fées et les korrigans dans deux caisses... voilà qui est fait... chaque jour un morceau et nous y arriverons.
La journée s'étire dans le sommeil de la sieste. L'infirmière nous réveille au soir. Maurice ne se sent pas bien. Dans l'après-midi, il m'a sollicitée pour avoir une bassine... une envie de vomir depuis hier. Céline fait tout son possible afin qu'il se sente mieux dans son lit. Elle lui a mis depuis hier un pansement sur sa plaie de la cheville droite... cela fait comme l'an passé. Il en souffre beaucoup en plus de tout le reste. Il se sent très mal ce soir, il refuse de manger et finalement il s'endort à nouveau...
J'ai malencontreusement effacé la journée du mercredi 8 novembre 2017...
Jeudi 9 novembre 2017... journée chahutée par ses crises... visite du médecin...
Je me suis couchée à minuit après avoir été sollicitée sans arrêt par ses crises de douleurs des jambes et de tout son corps qui ne supportent plus d'être couché ainsi ! Mais cinquante minutes plus tard il me réveille à nouveau... ensuite il s'endort enfin pour de bon. Je dors profondément. À un moment je veux me lever pour aller aux toilettes, mais je tombe du lit... me voilà coincée entre le mur et le lit, prise de crampes très douloureuses, je dois parvenir à me relever pieds nus, mais malgré tous mes essais, c'est peine perdue et je me fais très mal aux jambes et aux pieds... je tente de sortir de cet endroit pour me relever avec le montauban, mais rien à faire... alors je file à la rencontre de mon fauteuil roulant, mais manuel il ne me retient pas et je dois me diriger vers la rampe de l'escalier pour me redresser... ce que après trois essais, je finis par réussir ! Je suis ratatinée... souffrante... épuisée !
Deux autres fois, j'entends les cris de Maurice et je vais me relever à chaque fois. Pourtant lorsque j'arrive près de lui, il dort, il ronfle... mais j'ai bien entendu :
–J'ai mal, j'ai trop mal, trop mal !
Je retourne me coucher. Sur le matin j'entends l'infirmière et Sylvie parler ensemble aussi je me lève. Sylvie prépare nos déjeuners et prend le café avec moi. Ensuite je file me préparer, je veux aller voir les déménageurs mais lorsque nous arrivons, je trouve tout fermé. Zut nous nous sommes dérangées pour rien. Nous nous arrêtons au magasin bio pour trouver de la pommade à la calendula et je trouve des comprimés de plantes pour un sommeil zen. Bon, je dois passer pour des photos d'identité. Nous bataillons avec la machine qui peine à prendre notre billet de cinq euros. Nous rentrons rapidement, il est l'heure pour Sylvie de quitter son service. L'infirmière est déjà là. Elle pratique les soins et la toilette de Maurice toujours avec la même grâce, l'amour de son métier vissé au corps, puis elle le place dans son fauteuil à l'aide du lève-personne.
Elle nous abandonne pour un autre service et nous mangeons. Puis le médecin arrive qui regarde mon pied en très mauvais état et me prescrit des antibiotiques. Je lui réclame un appareil pour me moucher car je n'ai pas la force de souffler pour ça. Il me prescrit stérimar et demande le prix d'un appareil électrique (37 euros non remboursé). Puis il ausculte Maurice. Il me dit qu'au vu de ma fatigue et de mon état il peut l'envoyer huit jours à l'hôpital, ce que je refuse catégoriquement... de plus nous allons déménager bientôt... je veux partir avant le gros de l'hiver, et maintenant il va falloir faire vite. Il rajoute un comprimé de morphine pour la nuit.
Maurice se plaint tout l'après-midi et Alexandra vient me soigner mon pied très mal en point. Elle prend le temps de retirer la poche de sang contenue dans une excroissance sur le côté de mon pied due à mes pieds malformés et ma démarche impossible. Elle m'aide à masser les jambes de Maurice... puis elle nous quitte et nous nous donnons rendez-vous pour la semaine prochaine.
Nous dînons et Maurice commence la soirée avec des plaintes... cela nous réserve une autre nuit d'enfer...
Mercredi 8 novembre 2017...
J'ai malencontreusement effacé cette nuit et cette journée tellement difficile.
Evelyne GRANGEON, fan 15/11/2017 23:51