À toi Maurice,
Maurice tu es né avec l'impatience vissée au ventre. Ton vocabulaire ne connaissait que le mot aussitôt, immédiat, tout de suite. Il ignorait le mot attendre, plus tard ou demain. Tu arrivais dans la vie à 600 km / heure. Originaire de la famille du château de La Clayette, un beau château de Saône-et-Loire, à quinze ans tu partis en claquant la porte, tu n'aimais pas la noblesse.
Entre 10 et 12 ans, tu manifestais déjà, ton immense talent, ton goût pour le bâtiment... des articles dans la presse de Mâcon relataient en photos tes constructions. Hyperactif cela tourmentait tes parents qui ne te comprenaient pas.
Lorsque j'avais 17 ans, je devais prendre trois autobus pour traverser Lyon afin de me rendre à mon travail en atelier de dessin... je peignais sur soierie.
Je voyais sous mes yeux se monter la tour de la Part-Dieu, 1ère tour de Lyon, qui faisait, à l'époque, les choux gras de la presse. En effet jamais on n'avait vu une grue monter par l'intérieur un bâtiment circulaire. Très vite les Lyonnais la baptisèrent 'Le Crayon'.
Et c'était toi et toi seul qui l'avait inventé cette grue, toi qui à l'âge de 19 ans commandait sur ce chantier tous les corps de métiers du bâtiment.
Si l'on m'avait dit que 36 ans plus tard, je t'épouserai, je ne l'aurai jamais cru !
Tu travaillais sans relâche plus de 14 heures par jour ; à 16 ans en bureau d'études et ainsi au fil du temps tu as construis de très nombreux bâtiments HLM à Mâcon, inventant un panneau en béton unique qui maintenant fait le tour du monde, construisis également le théâtre de Chalôn-sur-Saône, un hôpital, des usines, des maisons, d'autres en Haute-Loire, fait certains plans du métro de Lyon et l'immeuble de Véritas à Limonest reconnu et réputé comme sans défaut.
Épicurien, tu croquais la vie à pleine dents. En parallèle à ta profession, tu pratiquais le sport à haut niveau moto-cross, rallyes de voitures, courses à pied, alpinisme et ski de fond. Casse-cou tu as vécu de très nombreux accidents, dont un très grave en moto avec la cage thoracique enfoncée, plâtré durant un an des hanches aux cervicales... tu y conservas deux hernies discales ; un accident de voiture où ton nez fut collé sur ton front durant un mois car ton pronostic vital était engagé et puis il y a eu l'accident de ski alors que tu préparais la piste pour l'épreuve sportive du lendemain.
Cet accident fatal te coûta tes genoux, os explosés, jambes retournées en arrière. Tu avais crée une base d'entraînement de ski de fond pour les jeunes dans le Jura, sur le plateau du Retord, afin de les entraîner aux épreuves futures. Tu circulais aussi beaucoup sur les pistes en France. Beaucoup de filles sont devenues championnes aux Jeux Olympiques. À cette époque Marielle Goitschell était dirigeante du ski alpin, vous étiez de fameux copains. Aux Saisies une plaque commémore ton nom.
De cet accident tu seras opéré à raison de une à deux fois par an pour reconstruire les têtes d'os de tes genoux en prélevant des os sur les tibias durant plus de 20 ans.
Tu resteras en fauteuil roulant depuis ce tragique accident en 1980. Malgré cela rien ne t'arrêtera... entre autres choses tu laboureras ton pré de 900 m2 en fauteuil roulant... cloué sur ton fauteuil, tu vas rebondir en participant aux actions du DICAF, devenant radio amateur au service du gouvernement pour porter les secours dans le monde sur les grandes catastrophes naturelles tremblements de terre, Tchernobyl et tant d' autres... tu fus récompensé d'un diplôme de secourisme. Tu n'aimais pas parler de tes actions.
Puis à force d'opération ton cœur s'épuisa. Deux embolies pulmonaires en 1992, un infarctus en 1994 en apprenant la perte de ton procès. Devenu insuffisant cardiaque et respiratoire sévère tu devais vivre avec un respirateur. Hélas, en février 1998, tu perdis ta femme subitement.
Quelques mois plus tard par le biais d'une agence matrimoniale, tu te mis en quête d'une nouvelle épouse que tu trouvas au bout de neuf longs mois en ma personne. Faites du même bois, nos âmes sœurs se reconnurent. Notre rencontre fut éblouissante, drôle et allait de soi. Le lendemain tu étais chez moi dans le Haut-Beaujolais et quatre jours plus tard nous décidions de nos noces. Six mois après, le 17 avril 1999 nous fîmes le plus beau des mariages, toi habillé en pêcheur breton et moi vêtue d'une robe longue de satin jaune et d'un manteau en dentelle acheté ici même à Quimper. Nos petits-enfants furent parés des mêmes costumes à la noce du siècle qui dura deux jours, nos invités logés dans les trois hôtels du pays. Ensuite nous partîmes en voyage de noces pour les Baléares louant une voiture, nous faisions trois fois le tour de l'île nous régalant de tout à chaque seconde.
Puis tu as dû te faire opéré d'une arthrodèse au pied droit, d'une double opération des genoux pour retirer sept clous enkystés dans les os sur les deux jambes.
Durant un an tu m'as suivi dans mes spectacles de contes.
En 1999-2000, apprenant le naufrage de l'Erika, nous partîmes aussitôt pour aller soigner les oiseaux mazoutés pendant deux mois sur la base navale de Lorient. Nous en gardons un triste souvenir, une expérience inoubliable et un amour puissant pour ces oiseaux marins si courageux.
En mars 2001 on t'opéra d'une pose de prothèse totale de genou gauche. Le chirurgien insista pour que tu ailles en maison de convalescence mais victime d'attaques cardiaques récurrentes et régulières durant un mois, j'allais te chercher pour rentrer à la maison. Deux mois plus tard, tu fis 5 km à pied autour du Lac des Sapins dans le Rhône.
Puis le 21 août 2001, tu fus victime d'un AVC alors que tu montais un muret de pierre avec 40° prenant ensuite une douche fraîche. Tu en sortais amnésique et paralysé à gauche. Ayant commandé un camping-car avant cette attaque fulgurante, après huit jours d'hôpital et autant de repos, nous partîmes en voyage pour six mois.
Tu me déclarais :
–Si je meurs, mets-moi dans la soute et rentres à la maison !
Nous sommes revenus en Bretagne, puis avons parcouru la Vendée, fait un pélerinage dans les Landes sur la voie de mon père réfugié ici à dix-sept ans pendant la guerre 1939-1945, sommes passés en Espagne, avons suivi les Asturies, visités la Galice, traversés le Portugal, le delta du Guadalquivir envahi de milliers de cigognes, fait trois fois le tour de l'Andalousie, remonter en direction de Barcelone et retour... inoubliable et fabuleux voyage !
En 2003, victime d'une nouvelle crise évolutive de ma maladie génétique orpheline, neuromusculaire, évolutive et dégénérative je demeurais alitée durant trois ans. Je me désolais et tu me répondais :
–Comme tu m'as porté, je te porterai... cela allait de soi !
Du fond de mon lit j'ai dû t'apprendre à faire la cuisine et tu m'offris un ordinateur qui déclencha en moi la fureur d'écrire, de recopier tous mes manuscrits et de partir dans une trilogie fantastique dont Douarnenez m' inspira le 1er tome, et j'enclenchais le deuxième inspirée par nos montagnes. Trilogie qui fut couronnée par le Trophée John Ronald TOLKIEN le 9 et 10 septembre de cette année 2017 par le C.E.P.A.L. et dont tu fus si fier pour moi. J'écrivis aussi un récit autobiographique 'Les Sanglots du Vent'.
Tu fus opéré du cancer de la prostate pour la 4ème fois, ce qui montait le total de tes opérations à 60 et occasionna des douleurs épouvantables.
En 2007 le chirurgien cardiaque ne pouvait pas te faire un pontage coronarien car tes artères explosaient. Avec le plus grand mal, il eut recours à un stent.
Là-dessus nous eûmes envie de nous lancer une fois de plus en politique pour faire avancer le sort des handicapés. Pendant 6 mois nous allions de réunion en réunion. Nous montions dix fois à Paris à la Commission du Handicap, rue de Solférino... nous avions organisé une manifestation à Paris pour rencontrer les députés et devant les douze manifestants qui s'étaient rendus devant l'Assemblée Nationale, les CRS qui avaient bouclés le secteur, attachèrent nos banderoles sur leurs grilles de clôture. Tous les deux nous fûmes reçus à l'Assemblée et cinq personnes se pressaient devant nous avec des rampes afin de nous y faire pénétrer.
Dans cette période tu avais conçu un concept architectural appelé 'la Ville à Plat', une ville accessible à tous, ce que tu voulais faire avancer auprès des politiques... bien peu nous ont écoutés, ce qui t'as conduit à travailler avec le bureau d'étude de la Ville de Roanne pour appliquer ce concept. Depuis cette ville est un modèle du genre. Ton rêve était de le voir réalisé de partout, à commencer par les grandes villes. Je conserve tes plans à la maison.
En 2009 victime d'œdèmes cardiaques impressionnants tu fus placés en soins palliatifs à domicile durant cinq mois. Un gastro-entérologue dépista une overdose médicamenteuse sévère, et inspiré te retira la totalité de tes traitements à savoir 42 comprimés par jour et tu ressuscitas ! Là-dessus nous créâmes une association d'édition pour publier une dizaine de mes livres illustrés et deux autres auteurs. Nous fréquentions les Salons du Livre de Rhône-Alpes-Auvergne, Yonne, Côte d'Or et Paca et vendions ainsi un peu plus de cinq mille livres à nous deux.
De 2011 à 2013, j'écrivis le 3ème tome de ma trilogie fantastique... et je dus être opérée en 2012 d'une ostéite, puis 2013 pour l'amputation d'une partie de mon pied. De ton côté ayant des difficultés urinaires, tu consultas un médecin qui te prescrivit un remède pour la tension et un diurétique... contre-indiqué pour le syndrome de Parkinson et ce qu'il ne fallait pas pour ton cœur. Tu te mis à tomber parfois en perdant connaissance.
Tu n'avais plus que 20 % de ton volume respiratoire, tu étouffais au cause de la chaleur et du climat en Rhône-Alpes, nous rêvions depuis longtemps de vivre en Bretagne, acculés à vendre ma maison, nous décidions de partir dans le Finistère. Tu tombais dans la cour et te cassais les deux poignets. Nous avons roulé ainsi de jour et de nuit pendant trois jours afin de déménager.
Nous avons profité de deux mois et demi de rémission et puis tu t'es mis à chuter de partout dans la maison pendant un mois. Une cinquantaine de fois les pompiers sont venus de relever et par trois fois ils t'emmenèrent aux urgences, mais jamais les médecins n'ont vu quoi que ce soit. C'est moi, qui cette fois encore détecta un nouvel AVC. Finalement j'ai demandé au médecin traitant une hospitalisation à Quimper où devant le scanner catastrophique les docteurs t'ont envoyé derechef au CHU de Brest, sans me prévenir. C'est toi qui à 23 h 30 m'a téléphoné depuis l'ambulance pour me dire que tu allais être opéré du cerveau à cause d'une grosse hémorragie cérébrale et d'un caillot gros comme deux pouces !
Les neurochirurgiens t'ont attaché le corps et la tête sur la table d'op avec un bâillon sur la bouche et ils t'ont opéré sans anesthésie, comme ça à vif. Le lendemain tu étais tout heureux de me montrer ta jambe qui bougeait normalement... mais tu avais souffert le martyr. Ferait-on cela à un chien ?
Tu es rentré à la maison avec deux bosses énormes et dix jours plus tard tu retombais. Une nouvelle fois tu repartais chez les neurochirurgiens de Brest où tu refusas l'opération car ils voulaient refaire la même puisqu'il n'avait retiré que la moitié de l'œdème.
Puis peu à peu tu perdis tes moyens, tes forces, tu restais de moins en moins longtemps à la pêche, le voyage te fatiguait intensément... finies les belles parties de pêche avec les copains !
Fin décembre 2015 tu fus alité durant 8 mois pissant l'eau de tes œdèmes cardiaques par les jambes et l'abdomen. Tu fis un sixième érysipèle et tu ne pus plus bouger ta jambe gauche ; On t'envoya au CHU de Quimper où les médecins voulaient te couper la jambe, ce que je refusais, on te renvoya chez toi avec une décharge car tu devais faire une septicémie... tu fis deux infarctus à la maison le 30 août et le 3 septembre 2016, mais deux mois plus tard on te fit supporter une très lourde opération afin de changer ta prothèse contre une neuve, à Brest le 25 novembre 2016 pour le challenge alors que depuis quinze ans tu ne pouvais plus subir d'anesthésie générale.
Tu ne te relèveras plus jamais... et s'ensuivit 15 mois et 15 jours de douleurs et de souffrances indescriptibles.
Atteins d'un infarctus mésentérique, une occlusion intestinale, une perforation de l'estomac et de l'intestin, une nécrose d'une partie de l'intestin, tu nous quittas, Maurice le 26 décembre à 2 heures du matin...
Dans tout cet itinéraire tu es resté en toutes circonstances un être hors norme tant sur le plan professionnel, sportif, que dans le handicap et la maladie.
Hors norme tu l'étais aussi dans l'amour de la vie et dans ta générosité sachant te faire aimer de tous.
Nous ne pourrons jamais t'oublier, tu resteras dans nos cœurs et dans nos âmes pour toujours,
Au revoir, mon amour, tu ne pars pas loin, juste là de l'autre côté du miroir où tu nous attends sur l'autre rive pour vivre une autre vie ensemble...
À Quimper, crématorium le 30 décembre 2017,
Dana, ton épouse
Sylvie, équipe de travail de mon fils, Yvan 10/01/2018 13:55
Henk et Clémentine, ami-e-s 10/01/2018 11:53
Véronique PACAUD, auteure, éditrice 09/01/2018 18:37
Marc WALLERAND, peintre 06/01/2018 10:09
Marie GODARD 06/01/2018 10:05