Je me lève à 6 heures 30.
Hier soir Maurice avait mis le réveil matin sur le portable, mais manque de peau avait oublié de mettre l'heure d'été.
Il ne dort pas, mauvais sommeil peuplé d'angoisses et me réveille. Encore toute ensommeillée comme chaque matin où il me faut une bonne heure pour parvenir à y voir clair, je me lève titubante...Emerveillée par le chant si mélodieux du rossignol à la fin de la nuit et l'orée du jour proche, j'émerge de mon brouillard (instant magique) ! Par-dessus j'entends la voix de Maurice qui égrène tous nos rendez-vous...journée difficile.
A 7 heures 45 une société de transports spécialisés viendra me prendre pour me conduire à l'Hôpital de la Croix Rousse à Lyon au pavillon du sommeil pour un contrôle du volume respiratoire et de l'oxygénation du sang.
Grande chance ! Voilà six ans que nous ne savons pas comment faire pour être conduits dans les hôpitaux avec nos fauteuils perso qui nous assurent notre propre autonomie. Chose à laquelle nous tenons vraiment.
La dernière fois à l'Hôpital Neurologique de Lyon, cela s'était très mal passé. En effet, serrée dans le fauteuil inconfortable de Momo, je n'ai pas pu tenir face à une heure trente d'attente. Les douleurs étaient telles qu'il avait fallu m'installer sur un brancard assez confortable pour une fois.
En attendant, je me prépare lentement.
Le véhicule parvient jusque devant chez nous. Je monte à l'intérieur avec mon engin de 165 kg et l'ambulancier me boucle une ceinture spéciale et attache rigoureusement le fauteuil. Il ne bouge pas. Je me sens en parfaite sécurité.
Nous roulons, mais au bout d'un moment je me rends compte que l'automobile n'a pas de fenêtre pour ceux qui sont perchés à l'intérieur. Je ne vois absolument rien du paysage et je suis condamnée à ne percevoir que les bas côtés de la route et le défilement des bandes blanches sur l'asphalte. Mon seul intérêt apercevoir la rivière au fond des vallées...
Parvenue à l'hôpital, dans l'incapacité de voir quoi que ce soit, je ne guide pas mon chauffeur. Il doit se débrouiller seul pour trouver l'accés. Il m'abandonne devant le pavillon car il n'a pas le temps de me déposer au service de l'accueil pour remplir les papiers et obtenir mes vignettes. Il doit conduire une autre personne. En route il me parle d'un jeune passager de treize ans polyhandicapé qui vient de chuter et de se tuer dans l'escalier de la maison de ses parents. Je sens qu'il a le coeur lourd. Gérald semble bien dévoué.
Chance ! La secrétaire très gracieuse téléphone au service et comme je suis déjà venue le dossier est prêt et les vignettes envoyées par télécopie. Simple comme un coup de fil !
Heureusement, car je dois me rendre, en faisant le tour par un labyrinthe de galeries extérieures pleines de courants d'air, dans le service respiratoire : Là, mesure du souffle examen très long car je n'ai pas la force de souffler et prise de sang dans l'artère pour l'oxygénation. Il faut attendre entre les deux examens.
Puis changement de service direction radiologie. Je passe de suite. J'obtiens les résultats immédiats. Enfin retour à la case départ pour une consultation où là, il me faut attendre encore.
(La veille nous avons éprouvé un coup de sang, Maurice et moi. On m'avait donné un rendez-vous par téléphone pour 11 heures, or en relisant la convocation il s'agit d'y être pour 9 heures ! Il fallu prévenir d'urgence "Libertrans" pour changer le rendez-vous. Il était grand temps ! Ouf...émotion !)
Il est déjà 11 heures...Le médecin m'annonce quelques soucis supplémentaires par rapport à la dernière visite. Il veut me donner de la kiné respiratoire mais, je refuse. Beaucoup trop fatiguant pour moi. Mais, il remet çà pour janvier prochain. Gare !
Bon, ouf, j'en sors. Une autre personne s'est présentée à l'entrée pour venir me chercher. Un jeune gars très sympa, jovial et débordant de joie de vivre. Ce dénommé Michel se tient là et cette fois, je me fais transportée à côté de lui, car à l'arrière en plus de ne rien voir, je suis beaucoup trop bousculée et cela provoque une augmentation insupportable de mes douleurs.
Je découvre avec délice le spectacle féérique des arbres en fleurs provoqué par l'arrivée soudaine de ce printemps chaudement ensoleillé ! Le soleil darde ses rayons bleus azur sur l'horizon du ciel. Quelle merveille !
Cela provoque en moi une immense bouffée de bonheur qui me soulève la poitrine et aussi un accès de profonde tristesse : Momo va nous quitter. Un géant va mourir, disparaître à nos yeux. Mais, il ne sera pas loin, là tout près. Il ne restera pour moi que la brassée d'un immense bonheur vécu ensemble savoureusement , responsables assumant jusqu'au bout. Mais avions-nous le choix?
Tout ce que nous avons bâti en dix ans, mes dernières tournées (derniers feux de la rampe) le jardin, la maison, les voyages de rêves aux destinations enchanteresses, mes écrits, tes projets encore et toujours, jusqu'au bout debout et fort face à l'adversité implacable de la trop grande maladie et du handicap, resteront à jamais.
Tout ce que tu as rempli toi dans ta vie, destinée éblouissante pour le bien-être de tous demeurera à jamais. Et, dans notre prochaine vie, nous viendrons terminer ce que nous n'avons pas pu achever de nos rêves...ils viendront, à nouveau, s'inscrire dans la réalité de nous et de tous...nous bâtirons encore pour un monde meilleur !
Oui, mon amour, tu ne seras pas loin, seulement tu te tiendras debout, là de l'autre côté du rivage et tu me crieras viens !
Le 1er avril 2009,
Dana Lang
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