Ciel d’hiver / Dana LANG (Extraits Livrets de prose n°2 / Il y aura des rires et des Chansons / Miroirs : A la Folle Jeunesse)
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L’horizon blanc de neige et de brume
S’effiloche dans les airs
En blanches plumes
Est-ce les oiseaux qui se tuent
Où les rêves d’un dieu ?
Le froid engourdi les pas
Des passants qui se pressent
Et, j’ouvre des yeux étonnés
Sur ce monde aveugle
Qui ne comprend pas.
[...] (1987)
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Rouge sang sur la neige
Le cœur de l’enfant martyr
Et de la femme violée respire
Rouge sang sur la neige
Le merle noir se tient gelé
Sur ses pattes fines
Là-bas, au loin
Au même instant
Un enfant meurt de faim
Celle-ci, couchée dort
Sur la bouche d’égout
Un autre à ta porte
Pitoyable, mendie
Dans le métro erre la foule
Des sans logis
Rouge sang sur la neige
Dans la poubelle, un plus pauvre
Découvre l’enfançon
Dans un plastique
La femme battue se suicide
Un bébé vient au monde
Aujourd’hui
Une fille
Cœur rouge dans la neige
Là-bas des hommes font la guerre
Il neige
Faudra-t-il dormir ?
[...] (
L’hiver saupoudre ses plumes
Etend son manteau de givre
Moi, je n’aurai pas assez de temps
De nuits et de printemps
Je comprends tout ce que je veux faire
Et le temps m’aiguillonne
Parviendra-t-il à me terrasser
Avant que d’avoir achevé ?
[...]
Ciel d’hiver
Ciel de lune
Nuit d’hiver
Nuit de brume
Le miroir glacé
Croustille sous les pas
Comme un grain sous la terre
Mon cœur s’emmitoufle
De la ouate du froid
Je quitte la maison endormie
Sous son coton de neige
Opiniâtre je conduis mes pas
Les jours passent et meurent
Raide et droite
Je demeure
Attends demain
Sans leurre
Et les yeux des enfants
Comme autant de phares
Me pressent de ne pas rentrer tard
A mon retour la villa chapeautée
Me sourit
Les rumeurs du monde
Se figent sur ce lit de silence
Où je m’engourdis
Souterraine
J’hiberne à ma façon
Dans ce nid
Où je reprends des forces
Et le goût de la vie
Dans ce cocon
De soie et de neige
Se préparent en secret
Les parfums du printemps
Et ses tendres couleurs
Fébriles se lissent
Les ailes du papillon
Et les plumes de l’oiseau
Des amours naissent
Pour oublier ceux qui meurent
Et la vie rejaillit
Sur les cendres des guerres
Le tambour frappe et tonne
La haine des hommes
Et le glas sonne
Aussi pour moi
Les longs doigts
De fée de la glace
Jette le froid
Et le givre sur le jardin
Je ne serai plus là
Demain.
[...]
Dernière neige
Au travers des nuages épais
Le soleil apparaît
Et le vol blanc,
Des oiseaux, plane
Encore sur la ville
Savent-ils où ils vont
Où courent-ils ?
Que font-ils de leur vie
De leurs jours ?
A trop voir, ils s’aveuglent
Et ne distinguent rien
Des yeux tristes du voisin
Et n’entendent pas gémir
Leurs oreilles
Ils filent, s’engouffrent
Linéaires, informels
Coulés dans la glue
Ils s’emmêlent
Sentent-ils la douceur des choses
Prennent-ils encore le temps
De se le dire
Qu’ils s’aiment ?
[...] Corbas (69), février 1987