4 février 1987
Mort !
Son enfant chéri est mort !
Son enfant, son amour, dans ce lit
Dans cette chambre, avec cette musique
A crier, à faire peur, à hurler
Mort !
Son amour git là
Etendu, sur ce lit livide
Comme ses yeux, comme son cri
Morte !
Elle aussi poignardée agonise
Elle regarde crucifiée, hébétée
Cet enfant
Son enfant, dix huit ans
Pâle, immobile, sans vie
Mort !
Son enfant suicidé !
Et tout pleure
Et tout crie
Et tout saigne
Raidit dans la douleur
A mort la vie !
Saloperie
A mort la mort !
Qui t’enrobe, te dérobe,
Et te vole l’enfant chéri
Qui te poisse
Qui t’arrache
Ton être chéri, ta chair,
Ta vie !
Plaie béante, accablée
Qui regarde hébétée,
Couché là, sur le lit blanc
Ce fils
Déjà froid.
"Puisque tu vis, Philippe" -13 février 1987
Sur ta mort
Un dieu, là-haut
Pleure trop fort
Il déverse des barriques d’eau
Indécent alors
Tout devient sale aussitôt
Ce mois d’accord
La mort souveraine
S’arroge tous les droits
Celui de tuer un enfant
En cette veille de printemps
Et jusqu’à salir
Les milliers de fleurs blanches
Sur le sol, déposé
D’un adieu dérisoire
D’un chagrin fou
Que rien ne pourra consoler
Et moi, j’erre
Dans le cimetière
Cherchant le moyen
De te ressusciter
À ta mère
Et chaque fois l’image de tes mains
Me revient
Ces mains fragiles
Plus tout à fait
Celles d’un enfant
Pas encore
Celles d’un homme
Dernière image
Sur mes yeux brouillés de larmes
Où déjà, je comprends
Que tu ne meurs pas en vain
Car des milliers d’enfants
Reprendront à leur tour
L’étendard brandi
Le drapeau de l’amour
Je pleure devant ces fleurs
Bras ballants, impuissante
Et tout crie en moi
Car j’aurai tout donné
Pour que tu vives encore
Et cette terre molle
Recouvre déjà ton corps
Dans cet hiver mouillé
Je hurle sur la mort
Qui arrache nos enfants
Sourde et sans pitié
À la douleur d’une mère
Et je marche sous la pluie
En pleurant suppliciée
Pendant qu’en mémoire
Je relis tes poèmes
Pour battre mon chagrin
et apaiser ma peine.
Lettre de Michel Courot, Saint-paul, le 13 février 2013,
Bien chère Dana,
J’ai été très touché par votre message, et par les compliments que vous m’avez faits ! Très peiné aussi par le récit de vos souffrances. Mais surtout en admiration à la lecture (parfois un peu difficile ?) de vos poèmes. Quel rythme, quel lyrisme, et quelle force d’âme ! Mille bravos. Je me suis permis quelques (rares) corrections que je vous renvoie, mais encore tous mes compliments (ce qui est faible). J’ai été extrêmement ému par le couplet « Puisque tu vis, Philippe », qui a éveillé en moi de profondes résonnances (à mon âge, on a forcément perdu des êtres aimés), et je me suis cru autorisé à joindre à cette lettre un poème allemand, d’un poète bien oublié de XVIIIème siècle, que j’ai transcrit en français, à ma manière. Si vous avez peur de pleurer, ne le lisez surtout pas. Et j’ai ajouté aussi une œuvre d’une poétesse brésilienne, texte que j’ai également traduit, dans mon style.
Nous espérons que vous m’avez pas été trop gênés par les intempéries, nous avons été quant à nous miraculeusement épargnés (juste une faible couche de neige qui a vite disparu), mais nous attendons avec impatience les beaux jours, au moins pour aller vous voir ! Je vais en attendant attaquer la correction de « Docteurs, vous m’avez tué » mais, je ne vous promets pas d’aller très vite !
Danyèle se joint à moi pour vous envoyer, à vous Dana et à Maurice, de grosses bises affectueuses.
À bientôt. Michel,