Mercredi 15 février 2017...
au paroxysme de la douleur et de la souffrance de ce que tout être humain peut supporter !
Il a continué à parler toute la nuit, à hurler des appels, il cherchait le voleur de son portable et parlait aux gendarmes... il n'en finissait pas de causer avec ses fantômes, il regrettait de ne pas pouvoir marcher (depuis 36 ans !)... j'ai tenté de lui faire avaler sa morphine mais il a tout recraché et il lui était impossible de boire, il ne voyait rien de ce que je lui tendais.
Je suis restée près de lui toute la nuit à entendre ses divagations. Au matin, à sept heures ayant très mal aux jambes je suis allée m'allonger sur le lit dans la chambre. Annie frappe à huit heures trente et du coup, je me lève.
Je vais voir Maurice et avec Annie nous le découvrons en train de mimer une scène. Que fait-il, que veut-il ainsi attraper ?
Je tente de lui donner ses cachets, il parle toujours mais totalement absent, il les refuse et me repousse. Comme hier il a encore coincé son bras dans la barrière du lit et cela a été coton pour le sortir de là ! Du coup, je l'abandonne en me disant que Jean-François fera mieux que moi.
L'infirmier arrive qui rencontre beaucoup de difficultés à le soigner, à le ranger droit dans le lit médicalisé... il se confronte à sa résistance. Maurice crie de douleur chaque fois qu'il le bouge d'un côté à l'autre, et quoi que l'on fasse il est toujours couché en diagonale dans le lit.
Pendant ce temps je me suis préparée pour aller chercher avec l'aide d'Annie le bon de transport et l'ordonnance déposés par le médecin dans son cabinet.
Lorsque nous rentrons, Jean-François a terminé son service. Maurice est plongé dans un sommeil profond. Par moment il se met à hurler de douleur ou à respirer comme un poisson hors de l'eau et dans une énorme souffrance.
De temps à autre je vérifie et remets en place sa lunette qui a tendance à glisser, à s'échapper de ses narines. Il dort complètement épuisé de ces trois jours de paroles incohérentes et ininterrompues à se débattre contre ses fantômes... il semble maintenant qu'il va s'enfoncer dans le sommeil, le coma.
Avec Annie j'ai préparé sa valise pour son départ en soins palliatifs à l'hôpital de Douarnenez demain, son respirateur et ses papiers. Il me faudra avec Sylvie déménager une fois de plus la véranda afin de laisser passer le brancard des 'Urgence 29'.
Il fait un temps royal, grande douceur et soleil intense. Le bouc qui tournait autour de ses copines n'est plus là. Il a dû retrouver son pré.Quatre poules sur sept se sont bien remises à pondre. J'irai faire un tour vers mes petites amies qui m'attendent impatiemment et font tant de fêtes à ma vue.
Après mon repas, un calme immense règne dans la maison. Cela contraste énormément avec ces huit derniers jours. Seule sa respiration difficile, ses cris de douleurs par moment, le bruit de son extracteur d'oxygène et celui de la machine à laver pour une deuxième lessive rythment l'atmosphère de la maison.
Je n'ai pas osé le réveiller pour le repas, ni pour ses cachets, il dort si fort !
Je suis allée faire une sieste obligatoire, en crise d'asthénie je ne tenais plus, avant j'ai vérifié si sa lunette tenait le choc. J'ai dormi deux heures, puis je suis allée nourrir mes fifilles et les abreuver juste au moment où arrivait Jean-François.
Il a pratiqué les soins habituels et lui a donné ses remèdes du soir en avance mais comme il n'a rien pris d'autre à seize heures, ceci compense cela. Il n'a pas mangé non plus, il n'a fait que dormir depuis ce matin.
Je reste un moment sur l'ordinateur, puis je vais vérifier sa lunette d'oxygène. Elle se trouve toute entortillée autour de son bras. Je la lui refixe très doucement pour ne pas le réveiller. La fois d'avant je n'ai fait que la remettre en place, mais il s'est écrié : LA PAIX, LA PAIX. Bon je la range un peu, elle ne tiendra pas, mais dans ces conditions je n'insiste pas.
C'est étrange le calme qui règne dans la maison, j'en avais perdu l'habitude. Je téléphone à mon amie Lucette, j'en ai besoin, cela me réchauffe le cœur.
Je vais me détendre un peu avec la série de ce soir 'Fais pas ci, fais pas ça !'... Puis je resterai près de lui jusqu'au matin.