A propos des SANGLOTS DU VENT :
APA Association pour l’autobiographie
Françoise LOTT
Madame,
Votre manuscrit est parvenu dans notre groupe de lecture à Aix-en-Provence et c’est moi qui ai eu le plaisir de le lire. Je suis fascinée par votre vitalité, et par toutes les facettes de votre existence : petite fille aimée mais malade, jeune femme aimante, mère de famille, puis femme battue, femme reprenant sa liberté; et contruisant, pendant tout ce temps, sans s’arrêter un instant, sa vie professionnelle, en ayant conscience de sa vocation; réussissant sa maison, son métier, un second mariage… On dit que les chats ont sept vies, il doit y avoir un chat parmi vos ancêtres (je plaisante…)
Je joins à ma lettre “l’Echo“ que j’ai rédigé, qui ne contient pas toutes les facettes de votre autobiographie, mais que j’espère fidèle à l’essentiel. Avec votre accord, il paraîtra dans le prochain Garde Mémoire, en 2013 sans doute, le Garde-mémoire 2012 étant peut-être complet maintenant.
Je vous adresse, Madame, l’expression de mon admiration et de mes meilleurs sentiments.
1946
Dana Lang, Les Sanglots du Vent, 242 p. [APA 3199]
La narratrice pense que, sur son berceau, en 1946, se sont penchées douze fées et une sorcière. Assurément, dans sa vie mouvementée, et les fées et les sorcières ont bien été en permanence omniprésentes.
Bonheur d’avoir un père qui a été vaillant pendant la guerre : il a fui son Alsace natale envahie pour s’engager, passer en Algérie et remonter avec l’armée française de Toulon à Strasbourg et l’Allemagne. Bonheurs fugitifs de pouvoir quitter un logement trop exigu pour aller pique-niquer avec ses cinq frères et soeurs dans les environs de Lyon. Bonheur jamais déçu de découvrir le plaisir de la lecture.
Mais en revanche, que d’épreuves traverse Dana dès sa jeunesse ! Elle a sept ans quand on diagnostique chez elle une “ maladie neuromusculaire, démyélinisante et dégénérative“. Elle doit rester longuement hospitalisée; pendant deux ans, elle ne peut “ni marcher, ni se nourrir seule, ni écrire“. Les conditions de vie de la trop nombreuse famille ne sont pas bonnes : d’un logement trop étroit dans un quartier populaire de Lyon, ils sont relogés dans une “cité de transit“ sans aucun confort. Pas de salle de bains mais des punaises et des cafards. Son père qui travaille aux hauts-fourneaux le jour, et livre du charbon le soir, est atteint de silicose. Il meurt en se rendant en vélo au grand jardin ouvrier qu’il cultive. Dana quitte alors le collège pour entrer dans un atelier de peinture sur soierie et, parallèlement, suit des cours du soir aux Beaux-Arts.
Les passages de l’ombre à la lumière vont ainsi se chevaucher toute la vie de la narratrice. Elle se marie selon son coeur, se retrouve mère de trois enfants en quelques années, mais la paye de son mari ne suffit pas toujours, et quand il part faire un stage professionnel “les enfants et moi ne mangeons pas à notre faim[…]La mairie de Vénissieux me fait observer que nous sommes la famille la plus pauvre de la ville. A nouveau, elle doit être hospitalisée, opérée, alitée. Puis son mari se met à boire, à l’injurier, à la frapper. Les “deux litres de whisky“ qu’il absorbe chaque jour le plongent dans des comas éthyliques dont il sort ivre de violence. “Les coups pleuvent, durs, brutaux, inattendus, violents“. Elle ne part pas, sans doute parce que ses enfants et sa maison sont ses seuls biens. Mais après trois ans de violence et gravement blessée, elle finit par le quitter où pendant un an encore, elle devra être hospitalisée cinq fois pour les blessures qu'il lui inflige. La police se contente d’enregistrer les plaintes. Enfin, un commissaire de police organise un “constat de flagrant délit“ et elle peut divorcer.
Or, pendant ces quinze années de galère, elle a demandé et obtenu une place d’employée dans les écoles, elle a préparé un diplôme de bibliothécaire et est entrée à la bibliothèque jeunesse de Vénissieux. Elle passe le permis poids lourd et conduit pendant six ans le bibliobus de sa commune. Militante communiste, son activité est remarquée et elle est invitée à participer à un voyage en URSS, Moscou, Samarkand : un rêve !
La voici seule avec ses enfants adolescents. En camping avec eux, en vacances, elle écrit : “Comme en écho à ma souffrance, j’entends les sanglots du vent“. D’où le titre à cette autobiographie. Elle travaille toujours, déménage, rêve de s’installer en pleine campagne et d’y organiser un “Centre de Contes“. Elle y parvient. Elle achète une petite maison entre forêt et village. Beaucoup de travail de restauration et peu d’argent. Elle se passera d’électricité et de chauffage pendant quatre ans. Et elle vit huit ans seule dans des conditions toujours très difficiles.
Puis, elle se décide de chercher l’âme sœur. Après quatre tentatives désolantes, elle rencontre Maurice, et ils s’entendent pour construire à deux, une vie harmonieuse. Mariage, visite en Alsace, en Bretagne, où ils soignent pendant deux mois les oiseaux empoisonnés par le mazout de l’Erika. Lui améliore la maison, elle écrit des contes. Mais la maladie la rattrape et ils luttent avec une énergie incroyable. On pourrait énumérer les souffrances, les opérations, les diagnostics de plus en plus sombres qui s’abattent sur eux ; on retient que, malgré la nécessité où ils sont maintenant de se déplacer tous les deux en fauteuils roulants, elle écrit, conte, participe à des récitals, trouve des illustratrices, un éditeur, tandis que lui l’accompagne partout et fait la promotion de l’œuvre de sa femme auprès des distributeurs.
Un autre titre pourrait convenir à cet étonnant témoignage : La Rage de Vivre…
Françoise LOTT, le 2 février 2012
A propos de la trilogie :
«Les 3 Héritiers de la Clef des 7 Mondes »
Vous avez une imagination prodigieuse ! J’ai eu un peu de mal à suivre, mais bravo !
Michel COUROT (Relecteur)