(le dimanche 17 mai 2020)
Le 10 août 2019, déterminée je passe à l'acte, mon idée est précise.
Je ne veux pas subir ma fin de vie qui s'annonce insoutenable.
Je sais que je ne pourrais plus bouger, ni m'alimenter, que je vais mourir étouffée dans des douleurs accrues.
Ma maladie me fait vivre la dernière crise évolutive, dégénérative je le sais car depuis l'été 2017, cette crise m’enfonce tous les jours un peu plus dans la dépendance absolue. Je ne peux plus me laver, me changer, me coiffer, manger seule et taper sur mon ordinateur sans avoir recours à Ingrid mon auxiliaire de vie.
Or donc, j'avais il y a trois mois laissé macérer des feuilles et des fleurs de muguet, dans une petite bouteille d'eau et je l'avais planqué dans mon placard à vêtement dans ma chambre, veillant toujours à ce que personne ne s'en aperçoive.
En fauteuil roulant j'entre dans la chambre pour saisir le flacon et je l'emporte dans la cuisine. J'enfile une paille dans le goulot de la bouteille qui hélas tombe au fond de celle-ci. À mon grand désespoir, je ne parviens pas à saisir un verre dans l'égouttoir. C'est alors que j’aperçois une tasse sur la table et je tente de la remplir. Hélas la bouteille tombe de mes mains inertes, et je perds la moitié du contenu. Désespérée, j'abandonne et je bois avec les pires difficultés à la bouteille. Je mets ainsi trois heures trente à avaler cette boisson. Je comprends alors que ce que j'avais imaginé arrive, si je me rate, je ne pourrais plus jamais refaire ce geste. Je réalise cette tentative aujourd'hui à minuit sachant que je n'aurais pas la visite des aide-soignantes. De plus ma fille aînée va revenir de son congé et mon auxiliaire de vie sera là à neuf heures.
J'ai aussi laissé mes directives anticipées et ce jour-là un message recommandant éventuellement la présence du médecin, mais je ne veux pas d'appel aux pompiers, ni au SAMU, j'ai seulement demandé que l'on me laisse mourir. Finalement, je me couche dans mon fauteuil et doucement le sommeil m'emporte. Je me laisser glisser.
Au matin à neuf heures, je me réveille à l'instant où mon auxiliaire de vie arrive. Sur ma demande celle-ci appelle Evelyne, mon autre auxiliaire de vie afin que je puisse lui dire au-revoir.
Je suis prise de vomissements subis et d'insupportables douleurs à l'estomac. Ces maux atroces vont durer jusqu'à l’arrivée de ma fille Nathalie appelée en urgence par Ingrid.
Nous attendons ainsi une heure. Dans cette urgence ma fille aînée surgit. Mes filles décident d'appeler mon fils qui leur conseille de me conduire à l’hôpital contre mon gré. Nous attendons l'ambulance, mais les douleurs sont si aiguës que je fais contre mauvaise fortune bon cœur.
Les ambulanciers sont charmants, ils me font parler.
Me voici à l’hôpital conduite aux urgences, je serai placée presque immédiatement dans la salle de réanimation, où le médecin vient faire son enquête. Ma tension est de 21,1 et je n'ai plus de potassium. On me change de salle où l'on me fait avaler une ampoule de potassium, puis quatre gros cachets de Diffu-K (potassium), ce qui me tire d'un arrêt cardiaque.
Je dois hélas accepter mon sort. Je reste hospitalisée trois jours et je veux renter. La psychiatre me dit que « c'est ma vie, elle m’appartient », ce que j'apprécie vivement.
Je sors de l’hôpital dans l’après-midi, mais une fois rentrée, prise de douleurs atroces et de vomissements incessants, ma fille et moi décidons de rappeler l’ambulance qui me ramène derechef là d’où je viens. On me garde trois jours pour ensuite m'envoyer sur un hôpital le plus proche de mon domicile. Je vais y rester un mois où je constate un établissement très moderne, avec des installations agréables et efficaces, tels que le lit-bain dans une salle adaptée, un lève-personne suspendu au plafond, une douche à l'italienne dans la chambre, un bassin gonflable pour laver les cheveux dans le lit etc...
Le personnel compétent se trouve d'une humanité sans faille ce que apprécie ardemment. Cela me rappelle tristement, toute la bataille que j'ai du mener en Bretagne pour que Maurice n'aie pas à subir la maltraitance et l'acharnement thérapeutique. Cela nous a fait vivre trois années de cauchemars absolu.
Enfin après un mois, je quitte l’hôpital avec un traitement pour un ulcère duodénal.
Depuis les journées que je passe me prouvent, chaque jour, combien j'avais vu juste en ce qui concerne ma situation physique. Je suis à présent quadraplégique, bloquée dans mon fauteuil ou dans mon lit.
Je ne peux plus écrire ce qui occasionne chez moi la pire des frustrations. Moi, qui écrivais jour et nuit durant des années pour écrire plus de quarante livres dont dix-huit ont été édités.
Depuis, je vis les petits et grands bonheurs de la vie de famille avec mes enfants, malgré l'absence douloureuse de Maurice.
Je me console d'avoir la chance de vivre dans une maison de plain-pied, à la campagne avec un joli jardin, ce qui me permets de m'aérer, et de faire le tour de mes fleurs en fauteuil roulant électrique. J'ai pourtant beaucoup de mal à tourner les pages d'un livre ce qui occasionne de vives douleurs dans les épaules, les bras et les mains et me rends oisive dans le jardin où je contemple la nature.